La lettre se termine abruptement. Ni point ni conclusion. Comme si Elsa avait été brutalement interrompue au beau milieu d'une phrase, comme si elle avait fourré la lettre dans le tiroir et ne s'était jamais préoccupée de la finir.
Où n'avait pas pu.
Dehors, le soleil a commencé son nonchalant voyage vers l'horizon.
Être réveillé par un cri, c’est comme briser un verre entre ses doigts: c’est rapide comme l’éclair et douloureux.
Toutes les pièces du puzzle ne s’assemblèrent que lorsque la pestilence s’insinua par les vitres baissées.
- Tu sais que j'ai eu des problèmes à l'université.
Je le regarde, il acquiesce brièvement.
- J'ai fais une dépression. Assez profonde.
Le mot semble informe dans ma bouche. Je déteste le prononcer, je déteste l'entendre. C'est un mot affreux, un mot gris, qui indique un état triste et pitoyable. Quelqu'un qui a perdu le contrôle.
J'ai atteint une limite; je suis tellement épuisée que je ne me sens même plus désespérée, simplement résignée.
Robert, la main plaquée sur la bouche, me suit. Ses gestes sont imprécis, comme anesthésiés, le choc inscrit sur son visage en grandes lettres muettes.
- Elle avait raison, grondé-je entre des lèvres engourdies. Vous aviez raison. Nous ne sommes pas seul ici.
- Il y avait quelqu'un, dit-elle en tournant la tête vers l'école.
- Où ? s'enquiert Robert. Dans le bâtiment ?
Emmy secoue la tête, effleure la taille de Robert et s'approche de lui.
- Non. Au beau milieu de la place. Devant la camionnette.
Sa voix est frêle, éraillé. Je crois d'abord qu'elle trahit de l'irritation ou du sarcasme, mais je comprends bientôt. C'est de la peur.
Elle a peur.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Je descend du canapé, j'ai besoin de me lever, de me tenir debout, jambes écartées pour que le sol paraisse stable sous mes pieds. J'ai la tête qui tourne.
- Je croyais que tu en avais envie. J'essayais de te réconforter.
- En fourrant ta langue dans ma bouche ?