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Critique de Khalil_Livres


Barbara, fille de feu Bernard Stiegler, professeur de philosophie politique à l'Université de Bordeaux, nous livre un essai essentiel sur la généalogie de ce que l'on appelle aujourd'hui communément, à tort ou à raison, le néolibéralisme.
Pour mener ce travail, il convient d'abord de distinguer le libéralisme classique d'Adam Smith caractérisé par une autorégulation du marché calquée sur une harmonisation des intérêts des individus, de l'ultralibéralisme, une doctrine qui théorise le retrait complet de l'état au profit d'un marché totalement libre, et enfin le néolibéralisme, capitalisant sur les échecs des deux premiers modèles, prônant une puissance de l'état au service de la création des conditions d'une compétition acharnée et qui incite l'individu à une perpétuelle adaptation.
L'auteur retrace l'origine de cette doctrine, associée à Walter Lippmann écrivain américain fortement influencé par les travaux de Darwin et auteur d'un ouvrage référence pour les néolibéraux contemporains, « The Good Society ». On suit alors le cheminement progressif de la pensée de Lippmann en confrontation avec des fervents de la démocratie populaire comme John Dewey jusqu'à aboutir à une définition fondamentale du néolibéralisme : « un courant de pensée politique, juridique et anthropologique selon lequel l'éducation doit équiper les individus pour qu'ils puissent répondre aux besoins du marché. L'idée est que les citoyens, conçus comme des agents économiques, soient adaptés à un monde normé par les besoins du marché ».
En effet, Lippmann considère que l'espèce humaine est naturellement inadaptée au monde technologique mondialisé, en perpétuel mouvement et qu'il faudrait une élite technocrate compétente pour l'adapter, « un gouvernement des experts ». EXIT l'éducation émancipatrice, la quête de l'authenticité, la démocratie, la délibération populaire et l'intelligence collective.
Il conviendrait suivant une interprétation commune de la théorie d'évolution de Darwin, de favoriser politiquement cette compétition de tous contre tous afin qu'émergent les meilleurs, les audacieux et les flexibles qui sauront alimenter ou diriger la machine capitaliste. Pour les autres, les inadaptés, il faut faire preuve de « pédagogie » pour leur faire accepter des réformes mal comprises et leur inculquer que la réussite est une affaire de méritocratie individuelle : « Quand on veut, on peut. »
Un essai très théorique qui a le mérite de questionner notre modèle de société, son mode de gouvernance, la façon dont on élève et éduque les futures générations et ouvrir le débat sur notre avenir collectif : l'économie, l'efficacité, la rentabilité ou tout simplement l'Humain ?
Enfin, sur cette injonction de s'adapter, je ne peux que rappeler cette citation de Jiddu Krishnamurti : « Ce n'est pas un signe de bonne santé que d'être bien adapté à une société profondément malade ».
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