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Critique de Tempsdelecture


L'année dernière, nous avons eu l'occasion de lire le premier titre de Jakub Szamałek traduit en français aux Éditions Métailié, Tu sais qui, roman liminaire d'une trilogie intitulée Trilogie du Dark Net dont Datas sanglantes est le deuxième titre. J'avais beaucoup aimé Tu sais qui, pour son rythme haletant, par le rôle de ces désormais inévitables nouvelles technologies – bien que plus si nouvelles que ça – détournées par les hackers de tout bord, de toute nationalité. Ces cybertechnonolgies aussi utiles au quotidien que dans la vie professionnelle qui représentent, du côté obscur de la force, une source inépuisable d'ennuis nébuleux et aux conséquences insondables, ce que nous prouve ici l'auteur geek polonais. Où il était question de hacking, d'articles attrape-nigaud et de revenge porn dans Tu sais qui, Jakub Szamałek pousse le vice encore plus loin, puisqu'il ne s'agit plus que d'une simple vengeance ou d'une revanche personnelle : la journaliste Julita Wójcicka, à peine remise de ses dernières aventures, reprend pied pour se mettre sur la piste d'un autre cybercriminel. D'une autre envergure.


Nous accompagnons une Julita, devenue journaliste d'investigation, autrice à succès d'un livre révélant l'affaire au centre de Tu sais qui et ses incroyables coups fourrés, en pleine préparation d'un son second titre et victime d'un gros syndrome post-traumatique. Elle vit avec Leon, elle n'est pas retournée travailler chez Meganews son ancien employeur, elle scrute tout le matériel qu'Emil lui a laissé pour découvrir l'identité de l'homme invisible qu'elle poursuit, un certain Xtraterrestria1 à travers sa dernière piste : le meurtre irrésolu d'une camgirl, un genre de gogo danseuse numérique, diffusé sur Internet. Une toute dernière piste avant qu'elle n'abandonne ce drôle d'héritage, seulement avisée d'un « vérifie », que Emil Chorczynski, un protagoniste du premier tome, lui a légué : on a vu mieux comme tuyau. Mais une fois, le bon filon tiré, l'écheveau va se dérouler sans s'arrêter jusqu'à Londres et Los Angeles, impossible d'en arrêter le cours, j'ai lu ce livre en trois jours.

Je le disais plus haut, cette enquête totalement informelle et non officielle que notre jeune journaliste polonaise va mener, l'amènera dans des sphères beaucoup plus hautes et intouchables de de la cybercriminalité puisqu'on touche cette fois au domaine de la politique. Sous la forme d'un parti centriste nouvellement créé, Pologne Demain, mené en apparence par Artur Warecki, un ancien joueur de football professionnel, charismatique et médiatique, qui a le verbe et la sympathie faciles ; tout ce qu'il faut pour mener son partie au sommet. Et pour mener Pologne Demain aux portes du pouvoir, il lui faut des voix, des votes, des sympathisants, c'est ici que se joue tout l'intérêt du livre : la façon dont ces voix sont attirées, chacune d'entre elle, grâce ou à cause des choix que l'on fait sur Internet. Les méthodes déployées pour, non pas façonner un programme électoral qui s'accorderait au plus grand nombre de voix possibles, mais au contraire aux façons dont il peut s'adapter au plus grand nombre, adaptant son discours en fonction de vos clicks et des pages que vous fréquentiez, en bref de vos centres d'intérêt et de votre personnalité. Tous les jours, on les accepte – ou pas – ces cookies invisibles qui espionnent. La montée en puissance de Pologne Demain se lit avec autant de curiosité que d'effroi et une certaine d'excitation, notamment l'apparition d'une société externe, au nom simpliste Net Solutions, en charge de concevoir la stratégie de communication du parti avec un homme très curieux Daniel Krolak , qui présente à l'image du nom de l'entreprise des apparences très lisses, trop lisses, aussi lisses que le crâne chauve de feu Evgueni Prigojine, la dernière victime en date des malencontreux accidents aux ennemis du président de la Fédération Russe. Car l'auteur ne cesse de le répéter, d'un livre à l'autre, en guise de prologue et de postface : « Ceci non plus n'est pas un roman de science-fiction. Malheureusement ». C'est très grisant parce que de nombreuses problématiques nous rappellent d'autres qui sont passées aux informations, il n'y a pas si longtemps, dont celle des votes truqués sur certaines machines à l'occasion des élections américaines, là où le nom de la Russie était une grande composante de la rumeur. Mais la cybercriminalité n'engage pas que les propagandistes et autres hackers russophones, notre journaliste va encore une fois utiliser les méthodes des ennemis, et s'approprier les pages personnelles des réseaux sociaux, comme une base de données géante et gratuite pour arriver à ses fins. N'étant pas geek, je n'ai pas intégré le début du commencement de la méthode indiquée par l'auteur pour craquer Facebook – une méthode véritable qu'on lui a appris, mais dont il manque une étape essentielle, dit-il en fin de roman, pour qu'elle ne nuise à personne – mais face à ces révélations, nos petits mots de passe deviennent légèrement désuets.

Niveau cybercriminalité, on a ainsi franchi dans ce deuxième volet plusieurs niveaux puisqu'on accède à la manipulation en masse des utilisateurs d'Internet, ces citoyens dont on ne veut pas seulement manipuler le vote, mais aussi le détourner et le voler. Jakub Szamałek nous offre de quoi devenir paranoïaque, puisqu'on se doute déjà de l'existence des procédés, mais il nous fait prendre la mesure des choses, sur la dimension du système mis en place. le premier tome, Tu sais qui, également un bon thriller, possédait cette autre noirceur, celle de la pédophilie, évidemment non moins douloureuse que cette xénophobie que l'on retrouve ici, suintant de chaque ligne de code des réseaux sociaux. Ce roman-là prend son temps pour nous faire pénétrer dans un univers autrement plus grave et sombre que le médias léger et inconsistant qu'est Meganews, et qui touche directement à la géopolitique polonaise, européenne et mondiale. Un roman qui s'achève sur un cliffangher palpitant, qui appelle forcément le dernier tome de la trilogie, qui sera sûrement publié à la rentrée littéraire 2024. Rdv l'année prochaine, donc.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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