Ces types qui mentent, ces types qui répriment, ces types qui fayotent, ces types qui menacent, eux sont la réalité. Et donc nous, ces nouveaux nous, entités formées des nombreux nous séparés que nous avions été, avions décidé qu'après tout, eh bien oui, nous serions aussi la réalité.
Qu’il y a des amours qui durent même pour ceux qui ne les ont pas vécus
Si nous sommes tous des personnages d’un roman qui s’écrit sur une putain d’Olivetti sans bande, si nous vivons en essayant d’être fidèle au personnage que nous nous sommes inventés, il n’y a aucun doute que son caractère principal s’est forgé en 68, que ses meilleures attitudes (s’étirer le bras à s’en rompre les muscles, sortir dans la rue malgré la peur qui paralyse, vivre le collectif, se découvrir une vocation à l’insomnie) se sont fabriqués ici, et nous avons vécu en l’imitant avec plus ou moins de bonheur
Le poète espagnol Angel Gonzalez a écrit :
Un autre temps viendra distinct de celui-ci
Et quelqu’un dira
Tu aurais dû conter d’autres histoires
La phrase fut peinte telle quelle pendant le
mouvement de 68 sur la porte d’une des salles
du premier étage de la faculté des sciences
politiques. Pendant des années je me suis
demandé : « Mais y avait-il d’autres histoires
à raconter ? »
On baisait toujours plus avant, là-bas, de l’autre coté, à une autre époque, dans la tribu voisine, en Suède. Mais je suppose que les Suédois disent la même chose de nous et que ceux d’aujourd’hui disent la même chose de ceux que nous étions, de même que ceux que nous sommes aujourd’hui le diront de nos contemporains