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Critique de Presence


C'est l'histoire d'un blaireau et d'un rat. Non, ne partez pas, Bryan Talbot a choisi le sous-sous-sous genre des animaux anthropomorphes pour nous raconter une histoire captivante.

Tout commence par une course poursuite dans les rues de Paris, à bord d'engins à vapeur filant sur les pavés mouillés. le pourchassé (un ambassadeur anglais) réussit à regagner l'Angleterre (qui est devenu un territoire français) pour finir froidement assassiné dans sa demeure la nuit qui suit. le détective inspecteur Archie Lebrock de Scotland Yard est dépêché avec son fidèle adjoint le détective Roderick Ratiz pour enquêter sur le décès de cet éminent sujet britannique (dans une scène d'anthologie il démontre en 2 temps 3 mouvements qu'il ne s'agit pas d'un suicide mais d'un meurtre). Lebrock et Ratiz se rendent alors à Paris (aussi appelée Grandville) pour enquêter sur les derniers faits et gestes de la victime. Leur enquête va les amener au coeur d'une intrigue politique et financière.

La première impression qui frappe le lecteur est que Bryan Talbot sait ce qu'il fait. Il réussit à amalgamer en un tout palpitant des animaux qui parlent, des réminiscences bien maîtrisées de Sherlock Holmes, une ambiance rétro-futuriste à vapeur (steampunk) aussi crédible que dépaysante, des scènes d'action percutantes, le tout plongé dans une uchronie dans laquelle Napoléon a triomphé des anglais et où le soleil ne se couche jamais sur l'empire français. À l'évidence, Lebrock et Ratiz évoquent le duo de Holmes et Watson ; mais Lebrock ne se drogue pas et Ratiz est un policier accompli. Il s'agit donc d'un hommage et non d'un plagiat.

"Grandville" est donc bâti sur la trame d'une enquête policière menée par 2 officiers anglais en territoire français, avec un racisme anti-anglais qui affleure. L'histoire se déroule dans une uchronie plaisante basée sur le succès complet des guerres napoléoniennes. le choix des animaux parlants permet de faire souffler un vent d'originalité sur cette trame et les dimensions politiques (aussi bien intérieure qu'extérieure) étoffent encore plus cette intrigue.

Bryan Talbot n'est pas le premier venu : il s'est déjà illustré avec les aventures d'un agent très spécial dans le multivers (The Adventures of Luther Arkwright), la quête de la reconstruction d'une jeune fille victime d'inceste mis en parallèle avec les oeuvres de Beatrix Potter (The Tale of One Bad Rat), la mise en images d'un dangereux extraterrestre (The Complete Nemesis the Warlock: Bk. 1 avec Pat Mills), une déclaration d'amour à Alice et à la région du Sunderland en Angleterre (Alice in Sunderland: An Entertainment), une histoire sans parole magistrale (Metronome sous le pseudonyme de Véronique Tanaka) et des illustrations pour la série Sandman de Neil Gaiman et pour la série Fables de Bill Willingham.

Dans "Grandville", il a tout fait : scenario, illustrations, mise en couleurs et même le lettrage. Les dessins sont magnifiques : une profusion de détails dans les décors, des engins à vapeur et une rétro-science qui invoque admirablement l'esprit de Jules Verne, des têtes d'animaux qui ne se contentent pas de déformer celles des humains, des séquences d'action énergiques et vivantes. Talbot a mis tout son immense savoir faire au service de son histoire. Et il ne prend jamais ses lecteurs pour des idiots. Il respecte les codes de ce type d'histoire tout en enrichissant l'intrigue par un arrière plan très respectueux de la France. C'est ainsi qu'on apprend qu'il existe quelques créatures humaines qui sont reléguées aux tâches manuelles (et le lecteur français reconnaît immédiatement Bécassine dans une femme de chambre, Spirou dans un garçon d'étage, etc.).

En plus, Milady a pris soin de soigner l'édition qui reprend tous les bonus de l'édition originale (avec les toiles de maître adaptée dans les décros et le travail de mise en couleurs par l'exemple). "Grandville" est une excellente histoire servie par de superbes illustrations qui vous plonge dans une enquête menée à un train d'enfer, en sachant trouver le juste équilibre entre les phases de déduction et les phases d'action. L'inspecteur Lebrock replonge dans les complots dans Grandville mon amour
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