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Critique de Apoapo


Il s'agit là d'une oeuvre magistrale, d'un grand classique de la littérature turque du XXe siècle. A travers les infortunes du narrateur, Hayri Irdal – considéré comme le premier antihéros de cette littérature – par ses multiples échecs culminant dans la liquidation de L'Institut de remise à l'heure des montres et des pendules, énorme imposture bureaucratique dont il fut cofondateur contre son gré et l'un des principaux artisans, le surgissement de la modernité est relaté avec autant de cynisme que d'ironique goût de l'absurde. Tous les personnages, les circonstances et les narrations sont en effet empreintes d'autant de fantasmagorie absurde – qui n'est pas sans me faire penser au Maître et Marguerite de Boulgakov – que d'une savante valeur symbolique, dont la métaphore de l'heure et de la « remise à l'heure » n'est que l'aspect le plus évident.
La vision de ce passage de l'ancien au nouveau est profondément pessimiste, autant que l'est Hayri Irdal dans son désenchantement, son doux scepticisme, ses doutes devant ses éternelles insuffisances : il s'agit en substance du remplacement de vieux mensonges par de nouvelles tromperies, les anciens étant cependant ô combien plus innocents !
De l'ancien nous trouvons en effet un noble seigneur décadent aux faux fastes, un anachorète opiomane sans doute un escroc, un apothicaire (grec) féru d'alchimie, et surtout une pendule, la Bienheureuse, héritage matériel d'un voeux pieux non accompli à travers les générations. Puis une fausse folie et un mauvais interprète des théories freudiennes mal comprises et pire exportées.
Le seuil des temps est symbolisé par le décès de la première épouse, la fin de l'innocence, en quelque sorte, au vu de la personnalité de celle qui lui succèdera et des métamorphoses de ceux qui survivent à l'instar de la vieille tante. S'ensuivra une cour des miracles de la modernité représentée par un café et enfin, de là surviendra l'Homme nouveau – Halit le Régulateur –, le concepteur d'une bureaucratie qui trouvera d'elle-même et en elle-même les raisons de son existence et ses propres fonctions, à condition que l'on ne cesse d'en parler et qu'elle symbolise tout ce qu'il y a de plus moderne au monde – une nouvelle conception du temps et de sa valeur.
Mais tout cela s'écroule aussi, au moment-même où les rôles s'inversent : où l'antihéros comprend et justifie alors que le manipulateur se retrouve précipité dans le doute.
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