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Critique de Cricri124


«Lorsque mon père est tombé, ma mère s'est éteinte.»

Laurence Tardieu revient sur un événement qui a bouleversé le cours de sa vie et ses valeurs. le jour où son père, dirigeant de la compagnie Générale des Eaux, est jugé –puis condamné - pour corruption, sa mère découvre qu'elle est atteinte une tumeur au cerveau. Elle succombera quelques mois plus tard. Ces deux événements consécutifs sont comme une bombe implosive lâchée sur cette famille, une bombe qui vient s'écraser avec un son mat, créant un trou béant que l'on colmate, calfeutre, une bombe que l'on enterre le plus profondément possible, une bombe qui mettra plus de 10 ans pour finalement exploser, et déchiqueter les silences et les non-dits.

Dans ce livre, l'auteure rend hommage à sa mère et surtout s'adresse directement à son père, ce père, qu'elle a tant admiré, qu'elle aime, mais qu'elle ne sait plus comment rejoindre. Plus qu'un livre sur sa condamnation, elle cherche à s'arracher aux silences qui l'attache à lui, des silences qui la ronge de l'intérieure, à l'étouffer. Elle tente ainsi de s'extirper du cercle de la honte que les non-dits ont fini par installer, et de se retrouver.

Un livre très intimiste, sans être pour autant voyeuriste, mais qui peut déranger. Écrit avec pudeur et sincérité, l'auteure dissèque ses émotions, fouille, se cherche autant sinon plus qu'elle ne recherche le père disparu de son enfance, et essaye d'aller à la rencontre de celui d'après la chute. Elle imagine les réponses de son père, se met à sa place, s'interroge et l'interroge. Il y a certes quelques redondances - procédé narratif? - mais après tout, nous sommes dans la confusion des peines.

"[...] de livre en livre je suis chaque fois un peu plus libre, je brise les chaines qui me retiennent à ce que je n'ai pas choisi, ce qui me fige, je largue les amarres, je me rapproche un peu plus de moi."

Malgré l'amour qu'elle témoigne à son père tout au long du livre, malgré son désir de se rapprocher de lui, c'est d'abord elle qu'elle s'échine à trouver. Une quête intérieure qui passe par la nécessité de comprendre son père et plus encore de se comprendre elle-même. Mais en publiant ce livre, alors qu'il lui a expressément interdit de l'écrire de son vivant, c'est à mon avis un uppercut qu'elle lui adresse, enveloppé dans un gant de velours certes, mais un uppercut quand même. Comme si sa renaissance (naissance?) en passait obligatoirement par le KO de son père. Un texte qui n'en demeure pas moins poignant et sincère, qui ne tombe à aucun moment dans la rancoeur, un texte qui nous livre ses doutes et ses questionnements vers le chemin de la délivrance.

"Ce livre, Laurence, tu l'écriras quand je serais mort. Voila ce que tu m'avais dit. [...] alors celle que tu vois là, devant toi, qui a des larmes dans les yeux mais qui te tiens tête, qui ne te sourit pas, qui pour une fois prend la parole en écrivant ce livre, ce livre que tu lui as interdit, ce livre qui te fait frémir, toi mon père si attaché à la discrétion, au sens de la mesure, à la sauvegarde des apparences, cette fille-là, vois-tu, c'est moi, c'est ton enfant que tu découvres enfin, c'est ton enfant qui sort du silence."

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