Te rappelles-tu, Da L'Hocine, de ce mardi 29/12/2015 et de la venue du chanteur Idir au centre funéraire de Montoie à Lausanne ?
Il t'a chanté “Cheikh Mohand”, une chanson qui te résume bien selon lui. Elle parle de ton aïeul, le marabout Cheikh Mohand El-Hocine. Tu as écrit dans tes mémoires que c'était un sage, un grand poète. On vantait sa facilité proverbiale à improviser poétiquement sur des maximes, des leçons de morale, voire des versets du Coran dans leur traduction berbère. Notre poète errant du 19e siècle, Si Mohand Ou M'hand, lui a d'ailleurs consacré un long poème.
Toi aussi, tu as été un grand sage, un amoureux des mots, qui a exprimé de bien nobles pensées philosophiques et politiques, autant dans des discours que dans des livres qui ne cessent de nous surprendre encore aujourd'hui par la justesse de leur analyse. Bien des pages de tes oeuvres éclairent toujours les chemins de doute de notre monde contemporain. Quel plaisir de lire tes mémoires qui décrivent les terres de ton enfance et de réentendre cette phrase si mélodique !
"Je suis né dans un village perdu au fin fond d'une vallée de la Haute-Kabylie, à quelque mille mètres d'altitude."
Oui, tu as vu le jour sur les hauteurs du Djurdjura qui ont fait de toi un homme bien trempé.
Nous nous souvenons encore de l'époque où tu étais un petit écolier. Dure était déjà ta vie ! Tu n'avais que six ans et tu avais dû émigrer chez une tante, pour te rapprocher de l'école française.
Tu nous rapportes que dès cinq, six heures du matin, tu allais apprendre le Coran, puis tu partais pour Michelet, le centre administratif, où se trouvait l'école primaire, et tu rentrais vers cinq, six heures du soir. Au total, tu faisais à pied un trajet quotidien d'une dizaine de kilomètres.
Plus tard, tu t'es éloigné de ton village natal et tu as parcouru des dizaines de milliers de kilomètres… Tu es entré au lycée à Ben Aknoun, tu as fait des tournées diplomatiques aux quatre coins du globe durant la Guerre de Libération, puis, après l'Indépendance, tu as connu un exil forcé en Suisse…
Là, tu as découvert les belles rives du lac Léman, un lac si clément pour tous les exilés comme toi, homme au combat si altier ! Tu as vécu dans un pays neutre et pacifique qui ne pouvait que convenir au démocrate que tu es.
Selon tes dernières volontés, tu es revenu définitivement dans ton village natal qui porte ton patronyme, Ath Ahmed, pour y être inhumé le vendredi premier janvier 2016. Un million de personnes t'ont accompagné jusqu'à ton ultime demeure. L'Algérie a décrété huit jours de deuil national pour rendre hommage au dernier « fils de la Toussaint ».
Nous savons tous que là où tu es désormais, tu entends encore la chanson d'Idir comme ces paroles de remerciements que nous t'adressons aujourd'hui pour tout ce que tu as fait pour nous. Sans toi il n'y aurait pas eu de libération. Sans tes appels à la mobilisation, tout élan vers la liberté n'aurait pas pu aboutir. Toi qui dès le début des années 1940 as posé les premiers jalons de l'Indépendance, tu as su rassembler la fine fleur des hommes valeureux et les mettre sur le chemin de l'action.
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