Le saut quantique : psychologie de l'éveil spirituel

En fait, quand nous atteignons l’éveil, c’est plutôt notre état normal de léthargie qui nous semble bizarre et non naturel. Cet état de léthargie est aberrant par la discorde, par la crispation et par sa vision obscure et limitée de la réalité. Nous prenons conscience qu’il est en fait un état pathologique qui nous semblait autrefois normal parce que c’est tout ce que nous connaissions. Lorsque nous atteignons l’éveil, nous avons l’impression de revenir au bercail, vers un endroit où nous étions censés nous trouver depuis toujours.

Autrefois, je pensais que l'éveil spirituel était une chose qui sortait de l'ordinaire, qu'il s'agissait d'un état extrêmement rare et pratiquement impossible à atteindre, à moins d'être prêt à devenir ermite et à passer des dizaines et des dizaines d'années à méditer des heures durant dans la solitude et le silence. J'estimais que seulement un nombre restreint d'êtres humains devaient avoir atteint l'éveil au fil de l'Histoire, c'est-à-dire un état intérieur continu de paix et de plénitude accompagné d'une sensation de connexion ou d'unité avec le monde autour d'eux, et accompagné aussi d'un désir altruiste d'aimer et d'aider leurs semblables. Je n'avais jamais rencontré un être humain réalisé et je ne m'attendais pas à en rencontrer un, du moins pas dans cette vie-ci. Il va sans dire que je ne me considérais pas non plus comme un être éveillé.

La grande majorité des gens que j'ai questionnés ne sont pas des maîtres spirituels et n'estiment pas faire partie d'un courant spirituel ou religieux. Ces gens occupent des emplois ordinaires et n'ont aucun antécédent et aucune pratique d'ordre spirituel. C'est pour cette raison que, au début et dans bien des cas, ils se sont retrouvés dans une grande confusion quand cette transformation s'est produite dans leur vie. C'est en partie pour cette raison que j'ai commencé à dissocier le concept de l'éveil des traditions religieuses ou même spirituelles. J'ai commencé à considérer l'éveil plutôt comme un état particulier d'esprit et d'être qui pouvait certes être interprété dans le cadre des traditions spirituelles, sans cependant nécessairement leur appartenir en propre.

Les diverses traditions spirituelles expliquent et interprètent ce basculement de la conscience de diverses façons, en mettant l'accent sur des aspects différents. C'est un peu comme si elles proposaient des prises de vue différentes du même paysage, grossissant, filtrant et sélectionnant certaines caractéristiques plutôt que d'autres. Mais, lorsque ce phénomène se produit en dehors de toute tradition spirituelle -c'est-à-dire chez des gens qui n'ont aucun antécédent spirituel et qui ne disposent par conséquent d'aucun cadre pour l'interpréter -, c'est comme avoir une vue du paysage lui-même, dans son état plus dépouillé et non pensé.

Dans la plupart des cas, il s’agit de gens qui n’ont aucune expérience des traditions spirituelles et qui en savent très peu à leur sujet. Il s’agit souvent de gens ordinaires qui cherchent à comprendre la transformation remarquable qui leur est arrivée. J’en tire la conclusion qu’il doit certainement y avoir des milliers d’autres gens dans le monde qui ont connu cette transformation (principalement déclenchée par un tourment psychologique intense) et qui cherchent encore à lui donner un sens, ou qui n’en ont même pas parlé à quiconque de crainte d’être mal compris.