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Critique de SZRAMOWO


Lorsque l'on évoque la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris on attribue la responsabilité des débordements et des morts dont le nombre fait polémique, aux principaux ministres, Roger Frey, Michel Debré, à Maurice Papon, le préfet de police de Paris, et bien sûr aussi au général De Gaulle dont la gestion de la crise algérienne a été pour le moins erratique et chaotique.
Marie-Odile Terrenoire est la fille d'un ministre, Louis Terrenoire porte-parole du gouvernement de l'époque et forcément au courant des conditions de déroulement de la manifestation et des dérapages du maintien de l'ordre.
Ses notes et son journal relatant notamment, les échanges lors des conseils des ministres sont un matériau unique pour commenter ces faits.
Dès la page 13, l'auteur présente son hypothèse de travail : « Ce drame (dont je ne mesurais pas l'étendue et l'horreur au moment où j'ai commencé ce travail) n'a pas été voulu ni décidé de manière délibéré par le chef de l'état. »
Marie-Odile Terrenoire réfute notamment le terme de « crime d'état » et si elle admet avoir un point de vue partial sur le sujet elle considère que son engagement pour les droits de l'homme et ses « amitiés constantes à gauche de la gauche depuis quarante-cinq ans » seront les garants son intégrité.
Elle propose ensuite une réponse à une question souvent tranchée positivement par les tenants de la thèse du crime d'état, mettant en cause le Général de Gaulle. Elle nuance ces affirmations en arguant, à juste titre, que le Général a été le défenseur de l'indépendance de l'Algérie, après avoir il est vrai affirmé « je vous ai compris » aux Pieds-Noirs. Dans l'atmosphère électrique de l'époque, il était en butte aux activistes des deux camps, OAS et FLN, tandis que majoritairement l'opinion publique française souhaitait la fin de la guerre.
Marie-Odile Terrenoire reformule son hypothèse en énonçant la question : le Général de Gaulle, favorable à l'indépendance, partisan d'une solution diplomatique et politique, parfois contre l'avis de son propre camp, pouvait-il à cinq mois de la signature des accords d'Evian, ordonner lui-même la répression de la manifestation d'octobre 1961 ?
Il semble évident que l'on ne peut que répondre par la négative à cette question.
L'autre projet du livre est de blanchir le porte-parole du gouvernement, son père Louis Terrenoire, qui est présenté dans un film sorti en 2011 à l'occasion du 50ème anniversaire du 17 octobre 1961- Ici on noie les Algériens -, comme un fervent défenseur du renforcement des forces de police, alors qu'il n'est que le rapporteur de décisions gouvernementales qu'il n'a pas prises lui-même.
Le livre pose la question de l'exercice du pouvoir, de la solidarité gouvernementale et du degré de responsabilité voire la culpabilité des différents membres de l'exécutif. La célèbre formule de Georgina Dufoix « responsable mais pas coupable » est d'ailleurs reprise.
Les faits rapportés par Marie-Odile Terrenoire, permettent de mesurer l'évolution des pratiques politiques. On est loin à l'époque, du « Un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne » de Jean-Pierre Chevènement ou du « Eteignez vos portables » cher à Nicolas Sarkozy.
La majorité de l'époque rassemblait un large panel de sensibilités diverses voire opposées. de René Capitant à Jacques Soustelle cite l'auteur.
L'intérêt du livre est de recenser les principales thèses en présence à propos des événements du 17 octobre 1961 et de les éclairer par les notes d'un témoin.
Une phrase résume la complexité de la question pour ceux qui sont alors aux affaires(Page 109) : « De Gaulle considère que l'OAS est l'ennemi et le FLN le partenaire avec qui il veut construire une transition vers l'indépendance. Mais Debré pense le contraire tout en acceptant de rester à son poste et, tout comme les chefs de l'armée qui développent les DOP (Les Dispositifs Opérationnels de Protection sont des équipes de recherche du renseignement par la torture) jusqu'à la fin et qui sont majoritairement dans une autre logique que celle de De Gaulle. »
Laissons la conclusion à l'auteure : « Ce n'est pas dans le ressassement que l'on peut espérer transformer une mémoire malheureuse en un espoir de bonheur. »
Phrase qui résume admirablement le drame algérien et ses implications dans les sociétés française et algérienne contemporaines.

Lien : https://camalonga.wordpress...
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