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Critique de litteraturepassion


"Jusqu'à quel âge on a encore toute sa vie devant soi" : Cette phrase résume bien le questionnement en filigrane de ce sublime roman.

Au coeur de ce livre, le quotidien et les dernières vacances d'été de Daniel Price, 17 ans au début des années 1960, fils unique de parents qui ne s'aiment plus, adolescent type, affublé de deux éternels copains, avec qui il écume les quartiers populaires de la banlieue industrielle d'East Chicago. Ses potes de lycée Billy Freud et Larry Misiora, dont il finira par s'éloigner, tiennent une grande place dans sa vie, tout autant qu'un premier amour qui le déconcerte autant qu'il l'obsède "Non seulement j'avais un destin, mais en plus je connaissais son nom, son adresse; il habitait Aberdeen Lane et se prénommait Rachel. Après les cours, je m'y rendais régulièrement", sans compter une famille étouffante, avec un père malade en phase terminale. L'amitié tient une grande place dans ses journées bien que comme le dit le narrateur "Et si nous nous serrions les coudes à vrai dire, c'était autant pour nous soutenir mutuellement que pour ne laisser à aucun d'entre nous une chance de prendre son envol". Car la question du démarrage dans la vie est bien aussi au centre du roman, de ce moment où il faut partir en quête d'un avenir si possible meilleur. Et laisser bien souvent derrière soi les inoubliables moments passés. Au terme de cet été que va-t-il subsister en effet de cette indéfectible amitié adolescente, de ce trio a priori inséparable, de son impossible amour pour Rachel, cette jeune fille pour le moins étrange, qui le fascine, l'obsède et lui échappe. Et des difficiles relations père-fils.

le roman commence par un tournoi de lutte où Daniel se laisse battre. Mais l'absence de médaille veut dire aussi être privé de bourse universitaire et par là même d'études, soit une condamnation à rester dans sa petite ville natale. Et il s'achève par les journaux intimes de ses proches, cette façon géniale qu'il a d'inventer les écrits de son entourage, ceux de Rachel notamment, qu'il s'amuse à écrire, imaginant ce qu'elle pourrait dire ou penser de lui, jusqu'au journal de James Donovan, double fictif de l'apprenti écrivain qu'est en train de devenir Daniel.

C'est la sobriété et la beauté de la première de couverture qui m'ont fait m'arrêter sur ce livre, et je ne l'ai pas regretté. Ce roman magistral fut pourtant un échec à sa sortie et ne connut un succès que posthume. Difficile à comprendre pourquoi tant l'écriture est magnifique tout au long de cette oeuvre fleuve et ambitieuse de presque 500 pages où il ne se passe pas grand chose si ce n'est le quotidien d'un adolescent en prise avec la maladie de son père, un amour contrarié, décrivant formidablement la "force dévastatrice d'un premier amour" comme le dit la 4ème de couverture, une vie de famille pour le moins dramatique, et un avenir qui s'annonce sombre : passer sa vie à l'usine. D'une impressionnante puissance romanesque, ce roman, construit habilement, m'a tenue en haleine et donné envie de découvrir l'autre publication de cet auteur "Karoo". de livres et de lecture, il est aussi question dans ce roman et il donne même la parole une bibliothécaire dans l'histoire, fort sympathique au demeurant!
"Cher Jimmy, Je me souviens très bien de vous. Si vous n'avez pas fini de lire les livres, je prolongerai volontiers la durée du prêt. Vous aviez l'air d'un si gentil garçon. Je vous en prie, rapportez les. Je m'inquiète à leur sujet. A bientôt. Bien à vous. Mademoiselle Day"

D'après ce que j'ai pu lire à droite et à gauche, ce jeune héros a beaucoup de l'adolescent que fut Tesich. Dommage que l'auteur n'ait pas eu la chance de connaître le succès de son vivant, mourant d'une crise cardiaque quelques jours après la fin de l'écriture de "Karoo" alors qu'il était âgé de 53 ans. Mais c'est grâce au succès de "Karoo" que "Price" eut une seconde chance, ce premier roman vient en effet enfin d'être traduit en français. Et c'est un grand grand livre!

"Aujourd'hui j'ai quitté l'endroit où j'ai grandi, convaincu que le destin n'est qu'un mirage. Pour autant que je sache, il n'y a que la vie et je me réjouis à l'idée de la vivre."

Je ne peux m'empêcher de faire un parallèle entre ce livre et "L'attrape coeur" de Salinger, deux romans qui décrivent magnifiquement ce fragile passage de l'adolescence à l'âge adulte. Même si pour le reste ils sont très différents, mais tout aussi brillants.
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