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Critique de Colchik


Scrongneugneu de scongneugneu ! semble grincer Sylvain Tesson tout au long de la marche qui le mène du Mercantour à la pointe du Cotentin. Il chausse à nouveau les Pataugas après sa malencontreuse chute d'un toit dans un état d'ébriété avancée et quelques mois passés à l'hôpital. de retour en terre d'aventure, mais sur le sol de notre bonne vieille France, il part pour un pèlerinage qui a pour but de rendre hommage… à lui-même et à sa rédemption.
Me voici bien sévère, mais le livre de Sylvain Tesson m'agace davantage qu'il ne me plaît. Il a beaucoup d'habileté à égarer l'attention du lecteur sur une partie de son propos. Son écriture passe sans cesse d'un registre à l'autre, poétique et inspirée lorsqu'elle évoque la nature, sarcastique quand il s'agit de railler les travers d'une France gâchée par les aménageurs, ces modernes qui ont dilapidé le patrimoine inaliénable d'un beau pays. Tesson, qui a une formation de géographe, n'est pas à un raccourci près quand il s'agit d'évoquer les politiques d'aménagement du territoire. Ainsi quand il leur prête dans l'après-guerre l'intention de « redessiner la carte [qui] permettrait de laver les hontes de 1940 ». Or, la honte de la défaite appartenait au régime de Vichy et non aux futurs commissaires au Plan chargés de la reconstruction du pays. de même, il pointe tout et n'importe quoi dans l'entreprise de sape qui aurait mis à mal la France : les ZUP, l'habitat pavillonnaire, les supermarchés, la décentralisation, Internet, la vidéosurveillance, les services à la personne, etc. D'où l'idée d'un faux progrès, d'un leurre pour les gogos que nous sommes. Certes, les paysages ont parfois été mis à mal par l'urbanisation et l'agriculture industrielle, mais Sylvain Tesson se garde bien de parler d'écologie pour en appeler simplement au respect de la Nature. Comme si les hommes perdaient toute noblesse à ne plus relever les murets de pierres ou à faire monter leurs brebis dans un camion pour la transhumance.
L'écrivain se défend d'être nostalgique du passé et cependant presque chaque ligne nous y ramène. Quand il analyse le pouvoir de l'exécutif, il ne peut s'empêcher d'en mesurer l'impuissance ou la vanité en le comparant à la pseudo-sagesse d'un propriétaire terrien, seul maître en son domaine. Bien sûr, la question de l'identité rode à tout moment, une « grâce », née de l' « amalgame » miraculeux des contraires, mais où il ne parle pas tant de diversité que d'antiques racines enfouies dans un terreau qui mêlerait Maurras et Jaurès, loin d'un quelconque droit d'inventaire à proscrire. Comme s'il ne fallait jamais questionner L Histoire, mais faire la part belle aux traditions.
Tout ceci m'amène à dire que Sylvain Tesson est un écrivain réactionnaire distillant le récit d'une certaine décadence de la France à la suite de changements qui ont modifié sa nature profonde.
Je me méfie donc du charme de ces chemins noirs qui ont séduit tant de lecteurs avant sans doute d'envoûter les téléspectateurs dans leur adaptation cinématographique. S'ils ont permis à l'écrivain de se refaire une santé physique, ils continuent à suivre la carte d'un territoire bien connu, celle d'une grandeur passée de la France.
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