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Critique de Sofiert



Ce cri d'amour pour la lecture comme source d'émancipation et comme spécificité de notre humanité, émane de Walter Tevis, auteur de cette dystopie parue en 1980.
Dans ce monde du XXVe siècle, les humains obsédés par leur confort et leur tranquillité d'esprit, se sont laissés débordés par des robots qui gèrent le quotidien à leur place.
« Pas de questions, détends-toi. » En même temps qu'ils se sont libérés du travail, les humains ont perdu toute curiosité intellectuelle. Depuis longtemps, la lecture et l'écriture ne sont plus enseignés dans ces internats qui se chargent de l'éducation des enfants à la place des parents. le concept même de famille a disparu. A la place, puisque l'on refuse de s'inquiéter pour les autres, on a mis en place le principe d'intimité et le principe de politesse. Parler avec quelqu'un équivaut à une intrusion dans son intimité et poser des questions devient un tabou absolu. de la même manière :
« La lecture est trop intime. Elle conduit les humains à s'intéresser de trop près aux sentiments et aux idées des autres. Elle ne peut que vous troubler et vous embrouiller l'esprit. »
Dans ce monde où les livres servent à isoler les murs, où le sens même du mot a disparu, la sexualité se réduit à la règle "sexe vite fait, sexe bien fait". le sentiment amoureux n'a plus aucun sens et a depuis fort longtemps été remplacé par la pornographie qui inonde les télés des habitants.
Plus grave encore, la natalité s'est éteinte depuis une trentaine d'années. Paul, le personnage principal, appartient à la dernière génération car il n'y a plus eu aucune naissance depuis. L'humanité serait ainsi condamnée à disparaître. Mais peu d'auteurs vont jusqu'à l'ultime extinction et Walter Tevis ne peut s'y résoudre. Grâce à une pirouette poétique, mettant en scène le robot en chef Spofforth, le mystère sera résolu et une nouvelle chance sera donnée à l'humanité.

Ce sont donc les livres qui vont sauver l'humanité. Grâce à leur découverte, grâce à l'apprentissage de la lecture, Paul va parcourir un chemin initiatique. En apprenant à lire, il apprend à penser. En se confrontant à des personnages fictifs, il apprend à côtoyer ses semblables, à être à leur écoute et à créer des liens. C'est parce qu'il a regardé ces films d'amour muets et parce qu'il a lu des livres qu'il a pu tomber amoureux, qu'il a pu prendre ce risque malgré son éducation déprimante et inhibitrice.
Ce sont tous ces livres, même les plus ennuyeux et les plus hermétiques, qui m'ont aidé à comprendre ce que cela signifiait d'être un être humain. Et j'ai aussi appris, à travers le sentiment de sidération que j'éprouve parfois quand j'ai l'impression d'entrer en contact avec l'esprit d'une personne morte depuis longtemps, que je n'étais pas seul sur cette terre. D'autres ont ressenti ce que je ressens, ceux qui, à certaines époques, ont réussi à dire l'indicible. "
Mary-Lou, sa compagne, n'est pas un personnage de second ordre. Tevis dit qu'elle est plus intelligente que lui, qu'elle apprend plus vite, qu'elle est plus indépendante et plus rebelle, qu'elle est capable naturellement d'autonomie. L'auteur a voulu que leur rencontre soit décisive et que la renaissance de l'humain provienne de leur impulsion de vie.
Ce livre, beau et mélancolique, mérite sa place au rang des meilleures dystopies et des hommages à la lecture des plus percutants.

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