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Malgré son titre évoquant un classique américain, ce roman d'anticipation interroge la possibilité d'un monde sans lecture. Ici, contrairement à Fahrenheit 451, on n'a pas détruit les livres : On a agi sur l'humain, comme dans 1984. Rien qu'en prolongeant les travers actuels de notre société, que pourrions-nous devenir dans les années 2400 ? Un monde où les écrans nous ont vidé la tête, prenant toute la place dans l'enseignement, les loisirs ; un monde où s'installe la primauté des images, qui se poursuivit par la stricte interdiction de la lecture et de l'écriture : symboles du savoir, du questionnement, centres névralgiques du ressenti et des sentiments, de l'ouverture vers les autres. Un monde dont les principes de liberté, égalité, fraternité sont devenus Individualité, Intimité et Tranquillité, empêchant tout regroupement rebelle, comme tout rapprochement entre amis ou amants ; Une natalité en chute, mettant symboliquement l'humanité en péril. Dans ce monde désincarné, la devise est : « pas de question, détendez-vous ». Et il n'y a que cela à faire, puisque les gens ne servent plus à rien tant les robots, d'apparence et de fonctionnalités si humaines pour certains (clonage du cerveau humain, amputé de quelques « fonctionnalités » dangereuses…), font tout à leur place et sont plus… intelligents ? Alors pour nous aider à ne penser à rien - et peut-être, dans un exquis retour d'ironie, faire de nous des robots - on a légalisé les drogues, ces pilules de Sopor achevant littéralement de nous endormir. Est-ce le paradis ou une société de robots, au propre comme au figuré, qui court à sa perte ?


Pour le lecteur la question se pose dès le départ, puisque même le robot semblant chapeauter tout cela regrette que sa programmation l'empêche de se suicider. Pour l'un des héros de ce roman, dressé à ne surtout pas s'interroger, la question s'insinuera plus tard : lorsqu'il tombera sur des vieux films muets, mettant en scène des familles et des gens semblant heureux de vivre, de ressentir des émotions. Enfin, cette question se posera plus ouvertement lorsque ce héros découvrira une vieille vidéo destinée… à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Un monde nouveau s'ouvrira alors à lui, empli de questions obsédantes qui le pousseront à explorer bibliothèques et interdits… Grain de sable dans l'engrenage, ce tutoriel fera parler les films muets, boîtes noires d'un bonheur d'antan qui ne demande qu'à renaître de ses cendres. le héros déchiffrera aussi les textes fondateurs des sociétés passées, même s'il constatera (comme dans 1984) que L Histoire a été réécrite avant d'avoir été oubliée. Face à ce naufrage de l'humanité et de notre civilisation, il suffirait pourtant d'une arche télépathique, d'un Noé des temps modernes et d'une nouvelle Eve, prête à croquer les fruits défendus d'une ancienne civilisation redécouverte, pour nous sauver tous… Sauf à être « détectés » avant, et neutralisés.


Au début, j'ai cru à un 5 étoiles. Dommage que ma lecture ait connu un coup de mou durant tout le dernier tiers du roman, exactement comme dans Ravage, de Barjavel. Quand les romans actuels portent sur une société Instagrammable ou sur les enfants rois de Youtube, la réédition de cette dystopie oubliée semble providentielle. Décrivant une population sans contact avec autre chose que les écrans, l'auteur, qui écrivait dans les années 1980, était visionnaire. Il pousse à l'extrême les dérives sous-jacentes de notre société et interroge : Qu'y a-t-il au bout de notre logique d'individualisme et de technologie à outrance ? J'ai peu d'expérience en la matière mais je trouve que son texte a bien vieilli. Il est effrayant de découvrir ce que pourrait devenir notre futur... Des gens qui ne lisent plus pour ne rien ressentir, ne pas s'interroger, ne rien vouloir savoir et s'abrutir d'images. Si tout le texte possède une forte valeur symbolique, la parabole finale, de toute beauté, en fait une jolie fable. Symbolique mais pas simpliste, dans la mesure où le lecteur ressent des sentiments ambivalents pour ces robots que l'on nous rend attachants. Signe que l'humanité finit toujours par (re)prendre le dessus sur les machines. C'est du moins ce que l'on voudrait croire. Cette lecture invite en tous cas à redonner à l'humain la place centrale dans le contrôle de sa vie.


(A voix haute) : Hey, Google, publie cette critique sur mon compte babélio !

S'il te plaît.

Hey Google, non finalement laisse, je vais le faire moi-même...

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Une dystopie où la connaissance est au coeur de la réflexion
*
Si c'est ça que deviendra notre futur, alors je ne veux pas en être.
C'est la phrase que j'ai retenu à la fin de cette dystopie qui fait "froid dans le dos".
Imaginez un monde sans livre. (pour les lecteurs, c'est un cauchemar, vous le savez aussi bien que moi, vous, qui lisez ces quelques lignes).
Il était une fois, l'Homme, dans une époque lointaine (quelques siècles) qui ne se pose plus de questions. A l'abri des émotions, vivant dans un monde rempli de robots. Dans un New York vide et stérile.
Est-il heureux? Oui, puisqu'il n'a plus de réflexions, plus d'angoisses, plus rien. Il se gave de drogues soporifiques, de télé synthétique et se laisse dorloter par des androides bienveillants.
*
Mais alors, me direz-vous, quelle est l'intrigue? Si personne ne se remue dans cette métropole abandonnée?
Il y a bien un humain, Paul, qui par un hasard, a réussi à sortir de ce coma cotonneux et à apprendre à lire.
Branle-bas de combat, un robot, Spofforth, d'une classe supérieure (voulant mourir mais étant incapable car programmé pour durer indéfiniment) réagit à cette onde de choc.
*
Injustement méconnue, cette oeuvre écrite dans les années 80 (l'âge d'or de la SF) a placé les curseurs très haut. Une lecture profondément humaniste qui s'attache aux sentiments, aux ressentis, aux pensées des protagonistes.
Le livre est au coeur du récit et il apporte cet espoir à cette communauté déshumanisée à l'extrême.
La rédemption est possible avec Mary Lou, une humaine dotée d'une lucidité rafraichissante. Redémarrer sainement le monde? oui, à condition que Spofforth le veuille encore.
*
Cette lecture, quoique glaçante et anxiogène a quand même eu sa part de réflexion quant à notre actualité. Les limites de la modernisation, l'égoisme et l'individualisme à son apogée, la tiédeur de l'apprentissage, des rapports humains peut-être limités.
*
Un roman , bien que "vieillot dans sa construction, m'a happé dès les premières pages. Il n'est pas aussi noir que certaines autres dystopies. Il a même ce côté suranné et mélancolique comme je les aime.
Il deviendra un "classique"
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Les romans de genre SF, les romans d'anticipation ont ceci de particulier qu'ils vous font (qu'ils vous obligent...) à réfléchir sur la société qui nous entoure...

On est dans un futur proche, et c'est les robots qui dirigent le monde, les humains étant rendus à errer telles des loques. Ils prennent tous les jours un médicament (le sopor )pour être zen, ne pas se poser de questions, "profiter de la vie "...Tous leurs soucis ont été effacés au propre comme au figuré . La famille n'existe pas, l'amour non plus, l'amitié non plus, mais ils ont quand même droit à leur minute-sexe.
On est dans un futur proche où les livres n'existent plus, les gens ne savent pas lire. Ne pas se poser de questions...
Un mot d'ordre : "se détendre"...
Tout est géré par les robots, et au sommet, un robot de type 9, Bob Spofforth . " Il avait été conçu pour vivre éternellement et il avait été conçu pour ne rien oublier."
Et lui se souvient... du monde d'avant. Sa rencontre avec Bentley , un des rares hommes à savoir lire, puis avec Mary Lou, le mettra en face de ses manques..

C'est un roman sur le pouvoir des livres, de la lecture, ce qu'elle apporte aux gens, en terme de savoir, et tout ce qu'ils pourraient perdre si ça leur était enlevé. ( Et ça fait peur...)
C'est un roman sur la place que l'homme fait à l'intelligence artificielle, aux robots, aux machines, la confiance qu'on leur fait et tout ce qu'il pourrait advenir si on leur laissait trop de place.
C'est un roman qui est paru en 1980, et il était sacrément visionnaire car on peut voir, déjà en quarante-trois ans, toute la place qu'ont pris les "machines "dans notre vie quotidienne. ( les ordinateurs, les portables, internet, les plateformes audiovisuelles...). Des machines qui sont censées nous rendre service mais qui peuvent aussi nous assujettir ou nous endormir...

C'est aussi une magnifique histoire d'amour, avec deux personnages qui se débattent pour exister, pour "penser "et qui sont entourés mais pratiquement seuls au monde, tel Adam et Eve.
(Et c'est aussi une autre histoire d'amour, touchante elle aussi, à sa façon...)
Mais c'est surtout une ode à la liberté, une ode au savoir, et une ode magnifique aux livres. le titre déjà fait référence à un grand classique de la littérature américaine, comme un hommage..

Un roman intéressant qui fait réfléchir....
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Les robots ont acquis une autorité légitime sur les humains dont on ne se souvient plus qui la leur a donnée. La vie de ces derniers se limite à la télé pour un abrutissement passif et aux drogues, les fameuses pilules sopors, distribuées aux quatre coins de New York. Errent dans la ville ces hommes et femmes aux regards absents, l'esprit embrumé dans les nuages formés par la fumée des joints qui ne les quittent jamais. Pas de jeunesse, plus d'enfants. Les unités de temps sont les bleus et les jaunes. La lecture n'est plus enseignée, elle véhicule bien trop de sensations, de questionnements. Vous ne saviez pas que la lecture est une source de troubles de l'esprit et d'intérêt trop prononcés pour les sentiments des autres ? Eh bien au XXVe siècle on vous le dira !
Les humains sous prétexte de préserver leur intimité ne se parlent plus, ne se regardent plus. Á grand renfort de sopors, le bonheur est acquis. le bonheur ? Oui, celui de faire s'évanouir chimiquement la colère, la mélancolie, l'inquiétude… et de se déplacer tels des zombies, sans jamais se heurter aux voisins et surtout sans rien ressentir. En voudriez-vous ? Sont-ce les futurs remèdes à la liberté de chacun ? Ne plus ressentir aucune émotion est-il gage de liberté ?

Le plus intelligent des robots, Spofforth, est le doyen de l'université de New York. Par une expérience malheureuse il a bénéficié d'une mémoire humaine parcellaire dans un corps en tout point semblable à un très bel homme ; un cerveau humain copié et inséré dans un cerveau métallique. Sa vie artificielle est longue, trop longue. Son corps ignore la fatigue mais son esprit pèse, toujours à la recherche des zones d'ombre de sa mémoire. Ses créateurs ont inhibé en lui toute possibilité de suicide mais, chaque printemps, il monte sur le toit de l'Empire State Building et attend, en vain, l'impulsion qui le fera tomber dans le vide.

Paul Bentley est prof dans l'Ohio et, par un heureux hasard, il a appris à lire, seul. Sidéré par cette découverte, il propose ses services au doyen Spofforth. Celui-ci refuse que la lecture soit enseignée à l'université, enseigner la lecture est un crime, mais il lui confie la tâche de décrypter les textes d'anciens films muets.
Par une écriture diablement efficace, l'auteur déroule la lente remise en marche d'un cerveau qui pense, qui voit, qui constate, qui analyse et qui s'interroge sur tout ce qui l'entoure. Bentley s'ouvre enfin à l'existence. En visionnant ces vieux films, l'attention de l'homme se porte sur le caractère étrange de ces vies qui défilent devant ses yeux. Des vies dans lesquelles des familles (un mot dont il ignorait totalement le sens) se côtoient avec plaisir et échangent entre eux au mépris de toute intimité !
La progression établie par l'auteur renvoie parfaitement à celle qui s'opèrerait chez un homme d'une cinquantaine d'années, bien conditionné depuis sa naissance par une éducation qui prône le non-partage, la totale ignorance des autres et des pensées uniquement tournées vers soi-même. Bravant l'interdiction de parler à quelqu'un sous prétexte de perturber son intimité, Bentley va aborder une certaine Mary Lou qui squatte dans un zoo. Elle sera le déclic qui le fera sortir de la zone de confort artificielle gérée par les robots. Il lui faudra alors résister à la prise réconfortante de sopors pour appréhender le monde et se sentir vivre. Par son journal, on arrive aisément à saisir les vagues-submersion qui déferlent dans tout son être, parfois douloureuses mais toujours salvatrices.

Me croiriez-vous ? J'ai adoré la délicatesse et l'exactitude de Walter Tevis lorsqu'il défend, au coeur de cette histoire, notre chère Lecture ; ces marques signifiant des mots.
« J'éprouvais un certain plaisir à découvrir les choses que les livres pouvaient dire à l'intérieur de mon esprit… Je ne me suis arrêté qu'après avoir appris tous les mots des quatre livres. Plus tard, j'ai mis la main sur trois nouveaux livres, et ce n'est qu'alors que j'ai vraiment su que l'activité à laquelle je me livrais s'appelait « lire ». »
La découverte par Bentley de cette nouvelle matière à enseigner et la façon de l'exprimer dans ce monde devenu totalement insipide m'a donné des frissons.

Ce roman tout à fait brillant explore avec une grande intelligence l'importance de la lecture, bien sûr, mais aussi celle de la connaissance de notre passé, de nos souvenirs. Il ouvre la réflexion sur de très nombreux sujets que je n'ai pas pu m'empêcher de transposer dans notre époque : le respect de règles instaurées soi-disant pour être heureux par une entité dont on ignore la légitimité, les dangers de l'introversion portée à l'extrême, l'abolition des questionnements individuels avec un contrôle de l'esprit insidieusement mis en oeuvre par une éducation robotique, la peur de sanctions suspendue au-dessus de chaque individu pour s'assurer de leur complète docilité…
Walter Tevis, avec un humour inventif, nous glisse le petit message des limites de la robotisation avec le bel exemple des grille-pain, une réjouissante production en circuit fermé ! Et la justice qui prend la poussière depuis des jaunes et des jaunes est jubilatoire.

Parcourir l'alternance entre les journaux de Bentley et Mary Lou et le récit de la vie de Spofforth fut un régal. Cette dystopie n'a rien à envier à 1984 ou le Meilleur des mondes. En voulant simplifier la vie des humains au maximum on finit par oublier que nous sommes là aussi pour faire face à l'adversité, nous adapter à notre environnement et sûrement pas pour subir une dictature digitale en attendant celle des robots.
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Planète Terre, XXVe siècle. Notre monde s'est progressivement robotisé : les androïdes règlent désormais la plupart des tâches industrielles, nous servent dans les restaurants, nous surveillent, et nous éduquent. Les robots sont de plusieurs classes, en fonction de l'intelligence que leur mission requiert. le plus haut degré, le neuvième, consiste à implanter une copie de l'esprit d'un ingénieur humain dans l'androïde. Ce cocktail d'humanité et de haute intelligence a conduit tous les robots de classe neuf à se suicider, ce qui n'est pas particulièrement rassurant (et en dit long sur l'estime que porte l'auteur à ses semblables). le seul à survivre à cette hécatombe est l'androïde Robert Spofforth, à qui on a retiré la faculté de se supprimer, et condamné à servir les humains jusqu'à ce qu'ils n'aient plus besoin de lui.

Malheureusement, il y a peu d'espoir de ce côté-là : les humains sont éduqués depuis des siècles à éviter tout effort intellectuel (« Pas de questions, relax », « Dans le doute, n'y pense plus »), à vivre dans l'isolement le plus complet, et à se contenter du plaisir sexuel ou chimique comme seuls buts dans la vie. Plus personne n'est capable de réparer quoi que ce soit, et quand un robot tombe en panne, on apprend seulement à se priver de ce qu'il fournissait.

Un homme, cependant, va faire une découverte susceptible de changer sa vie. Paul Bentley, professeur d'université spécialisé dans les films, tombe par hasard sur une bobine qui n'est pas un film porno comme attendu, mais qui représente une maîtresse apprenant à lire à des enfants. Avec de l'obstination, il parvient lui aussi à maîtriser la lecture. Ce qu'il découvre dans les livres et les vieux films muets le stupéfie : des gens vivants en groupe, en « famille », sans se soucier des Fautes de Promiscuité et d'Intrusion dans la Vie Privée qu'ils commettent. D'autres qui se disputent, se battent, pleurent, tombent amoureux, sans songer aux sopors qui leur permettraient d'oublier tout ça. Avec l'aide de Mary-Lou, une autre marginale, il va redécouvrir tout le passé de l'humanité et apprendre à se défaire de son éducation.

Walter Tevis nous fait le portrait d'un monde où l'individualisme a été poussé à son maximum, où la société s'est totalement coupée de son passé. La thématique est évidemment intéressante, et on peut facilement comprendre les mises que l'auteur nous adresse, mais j'ai trouvé l'écriture très sèche. J'ai eu peu d'empathie pour les personnages, et à aucun moment je n'ai ressenti en quoi ce système était mauvais, et ce qui manquait aux gens qui en étaient prisonniers, à la différence d'autres dystopies, comme 1984, la Servante écarlate, … dans lesquelles on ressent presque physiquement le poids écrasant de leur vie au quotidien. Ici, on sait juste que des gens s'immolent, sans savoir vraiment pourquoi, et ces gens invoquent le nom du Christ, alors que la religion est totalement absente de la vie de Paul, ce qui laisse à penser qu'ils ne font pas vraiment partie du même système. Paul regrette de temps en temps la compagnie de ses amis, mais on ne s'attarde pas non plus beaucoup sur ce sentiment. On peut alors se poser la question : cette vie nous semble bien fade, mais est-ce qu'elle rend les gens vraiment malheureux ? Et quand on trouve que la vie dans une dystopie n'est pas aussi mauvaise qu'elle en a l'air, on ne peut s'empêcher de penser que l'auteur a un petit peu manqué sa cible...
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Walter Tevis est injustement méconnu en France. Pourtant, des millions de francophones connaissent ses histoires sans le savoir. Je ne m'attarde que rarement sur le parcours d'un écrivain, mais celui-ci vaut le détour.

Son premier roman, L'Arnaqueur (1959), est porté à l'écran par Robert Rossen, avec Paul Newman. La Couleur de l'argent (1984), sa suite, est adaptée par Martin Scorsese. La série tirée de le Jeu de la Dame par Netflix a rencontré récemment un succès phénoménal.

Sept romans seulement (il est mort en 1984 à seulement 56 ans), dans des domaines variés, du roman noir à la SF. Comme L'Homme tombé du ciel, porté au cinéma avec David Bowie. Et puis, ce formidable L'oiseau moqueur, republié en 2021 par Gallmeister (via Totem, sa collection poche), sorti initialement en 1980 sous le titre L'Oiseau d'Amérique.

Le monde dans un siècle et quelques, les humains se sont reposés sur les machines au point de tomber dans une sorte d'oisiveté et en perdre tout ce qui constituait réellement leur humanité. Abreuvés de tranquillisants, sans occupations véritables. Jusqu'à avoir oublié la capacité de lire et même ce qu'est un livre (tous deux devenus interdits, par des machines humanoïdes qui ont pris le contrôle de la planète). « Pas de questions, détends-toi », la devise qu'on leur fait ingurgiter dès le plus jeune âge. Enfin, à ceux restants, puisque la natalité est à son plus bas.

Spofforth est un protagoniste étonnant. le robot ultime, a qui on a « injecté » le cerveau de son concepteur, y nettoyant au préalable ce qui devait être parasite. On peut dire qu'il a donc ce qui se rapproche d'une âme. Et ça le rend dépressif depuis des décennies…

Voilà tout ce que j'aime dans la science-fiction ! Celle qui est profondément humaniste, celle qui parle avant tout des relations et des sentiments, celle qui pousse les curseurs pour imaginer ce qui pourrait advenir si on continue dans une voie déshumanisée. N'oublions pas que ce livre a été écrit en 1980 !

Alors, même si l'histoire a un peu vieilli concernant certains concepts (liés aux nouvelles technologies), le reste est formidablement inventif, et nous parle à tous, qu'on pense aimer ce genre littéraire ou non. le passé nous instruit, imaginer le futur nous éclaire. Et l'auteur a une capacité étonnante à se figurer l'homme et ses pensées.

Même si l'avenir dessiné est sombre, on n'est tout de même pas dans un récit post-apocalyptique. Oui, des guerres ont poussé l'Homme à passer la main aux machines et à arrêter de trop penser, de trop ressentir. Mais c'est aussi un récit d'espoir, à travers un homme qui apprend à lire seul et une femme qui refuse le système (et d'avaler la pilule, au sens propre comme au figuré). Avec le robot Spofforth qui gouverne tout, ce sont des boules d'émotions et de sentiments réinventés, profondément touchants.

Je ne suis pas le seul à avoir pensé, par certains côtés, au roman de Daniel Keyes, Des Fleurs pour Algernon, par son coté apprentissage.

Suivre Paul est autant un voyage intimiste que ludique, parce que l'écrivain ne perd jamais de vue l'aspect divertissant, combiné aux « messages » jamais pontifiants.

Ce futur parle de nous, maintenant. de cette perte de concentration envers l'essentiel. Pour se décharger sur le futile.

Et quelle belle idée que de mettre le pouvoir des livres au centre de la possible rédemption ! Ces livres morts qui ressuscitent et qui racontent. Qui amènent à réfléchir.

Ce roman se veut un cri d'alerte sur le lent déclin de nos sociétés (le principe de la grenouille plongée dans l'eau froide qu'on réchauffe lentement…). Une matière à réflexion doublée d'une belle intrigue divertissante.

L'auteur nous raconte ce que peut donner l'individualisme poussé à l'extrême, où la vie intime a perdu sens. Un regard qui décrit vers quoi on tend.

L'oiseau moqueur est un roman visionnaire, aussi mélancolique que touchant. Un beau roman à lire par tous, sorte de conte parfois désenchanté mais aussi plein d'espoir. Une aventure humaine forte, menée par un conteur hors pair. Walter Tevis, près de quarante ans après sa mort, mérite vraiment qu'on le redécouvre.
Lien : https://gruznamur.com/2021/0..
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L'oiseau moqueur de Walter Tevis est une réédition d'un roman publié pour la première fois en 1980, ici proposée par les incontournables Gallmeister dans une nouvelle traduction qui met profondément en valeur ce livre un peu trop oublié (à ne pas confondre avec Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur d'Harper Lee) .


Le roman démarre des centaines d'années après notre civilisation. La littérature et les films ont disparu, et avec eux, l'espoir, l'évasion, l'humanité.

Les humains n'ont plus qu'un seul but : se détendre, à grands coups de tranquillisants.

Seuls les robots assurent un minimum de travail. Dans cette ambiance de fin d'humanité, Paul Bentley va trouver un enregistrement qui va lui permettre d'apprendre à lire ...

L'oiseau moqueur atteint largement sa cible, et reste profondément visionnaire, même 40 ans après sa parution.

C'est assez fascinant de voir un monde sans livres et où personne ne sait lire et fascinant également de suivre l'histoire de Paul Bentley qui va refaire tout cet apprentissage, en découvrant peu à peu l'histoire de l'humanité qui avait été oubliée.

Une dystopie particulièrement efficace qui fait l'éloge de la lecture comme moyen essentiel à l'élaboration d'un esprit critique, forcément, cela nous touche profondément.

Un roman presque aussi puissant et visionnaire qu'un 1984 d'Orwell.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une dystopie plutôt originale où les robots servent un peuple drogué qui ne pose pas de questions.... Mais Paul, en visionnant de vieux films, va apprendre à lire et commencer à s'interroger alors que dans cette société c'est plutôt " Pas de questions, détends toi". C'est en croisant la route d'une jeune femme marginale que sa vie et celle du monde, va irrémédiablement basculer... Je ne préfère pas trop en dire car ce monde ce découvre entre surprise et stupéfaction. Il en donne vraiment pas envie ! Ce qui la différencie un peu des dystopies classiques, c'est qu'ici il n'y a pas vraiment d'ennemis à abattre, c'est plutôt une société qui doit se réveiller de sa torpeur et réagir avant le déclin. C'est un récit assez fascinant, avec un homme qui se découvre, un robot qui voudrait devenir un homme, une petite aventure avec quelques rebondissements et une jolie romance.
Challenge Mauvais genres 2023
Pioche dans ma PAL 2023
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"Seul l'oiseau moqueur chante à l'orée du bois."

Aux alentours du XXVe siècle, Walter Tevis nous dépeint un monde effrayant : il n'y a presque plus d'hommes sur Terre, plus de naissances, des robots mal réglés contrôlent tout et l'humanité a tout oublié. La lecture, le cinéma ont disparu :" La Lecture est le partage profond et subtil d'idées et de sentiments par des moyens sournois. C'est une grossière invasion de la Vie Privée [...]. L'Enseignement de la Lecture est également un crime contre la Vie Privée et la Personnalité."

Les rares humains survivants sont drogués, stupides (« Pas de questions. Relax », "dans le doute, n'y pense plus" ) et fondamentalement individualistes. Leurs principales occupations sont de faire l'amour (« Sexe vite fait, sexe bien fait »), fumer des joints et prendre des tranquillisants fournis en masse par le gouvernement pendant que les robots s'occupent du reste.

Et surtout, on apprend très tôt aux enfants les réflexes fondamentaux : rester seul, ne pas engendrer de situations de violation de la vie privée, ne pas penser. L'intimité et la solitude sont à la base de cette Terre désertée.

C'est là qu'évoluent les trois personnages principaux :

- Spofforth, dernier représentant des robots les plus évolués construits par l'homme avant la décadence. Il contrôle tout mais recherche la paix dans la mort, ce que son corps programmé lui refuse : "Spofforth avait été conçu pour vivre éternellement et ne rien oublier. Et les hommes à l'origine de ce projet ne s'étaient même pas interrogés sur le drame qu'une telle existence pouvait représenter."

- Paul Bentley, qui apprend à lire, redécouvre la culture, l'histoire humaine et suivra un long et douloureux chemin avant de parvenir à s'émanciper de son éducation première. "Le simple fait de savoir que l'homme a un passé, un passé sur lequel je ne possède pourtant que de très vagues notions, a radicalement modifié mon esprit et mon comportement."

- Mary-Lou, jeune rebelle résistante à tout système, dont Paul tombe amoureux et pour qui il luttera jusqu'au bout.

C'est un roman un peu terrifiant que l'Oiseau d'Amérique car cette vision est crédible : une Terre appauvrie, détruite par les guerres, déshumanisée, où les hommes vivent chacun de leur côté ou se suicident en masse quand ils ne peuvent plus supporter le vide de leur vie. Une Terre où les sentiments, l'amour, l'amitié, semblent avoir totalement disparus.

Pourtant, il est finalement fondamentalement optimiste. Walter Tevis nous fait découvrir son monde tranquillement, sans faire intervenir de nombreuses péripéties, il suit le cheminement de Paul, ses interrogations et ses découvertes, et l'accompagne jusqu'au dénouement. Jusqu'à l'infime bouleversement qui nous laisse présager un avenir plus radieux ... Un hymne au pouvoir subversif des livres et de la culture, émaillé de nombreuses références à la culture américaine.

D'un point de vue de l'histoire, c'est donc un coup de coeur, un roman qui suscite des réflexions intemporelles. Pourtant, on peut regretter un style presque pauvre. Est-ce la traduction ? En tout cas nous (car je l'ai lu à voix haute avec mon cher et tendre) avons trouvé que les constructions étaient très simplistes, du genre sujet, verbe, complément. Ce qui, à l'oral, rend une lecture saccadée, peu fluide.

Cependant, un classique de la SF et de la dystopie, à lire (en VO ?)
Lien : http://wp.me/p1Gkvs-Yf
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Un livre qu'on souhaite faire découvrir à tout le monde. Une histoire fantastique pour nous faire aimer la réalité, la liberté et l'amour.
La préface, fort bien faite, d'André-François Ruaud, nous présente Walter Tevis et donne envie de lire tous ses romans. J'adore la science-fiction de cette qualité-là, sans trop de jargon technologique, située dans un univers futuriste mais cohérent avec des personnages attachants. Il se dégage une mélancolie tranquille, tour à tour désespérée ou pleine de vie, des moments de grâce pure. Un roman captivant qui est tout entier une belle allégorie de la lecture.
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