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Critique de berni_29


Attention, coup de coeur ! Habibi est un roman graphique monumental, éblouissant, vertigineux.
Vendue à un scribe alors qu'elle vient tout juste de quitter l'enfance, puis éduquée par celui-ci, une très jeune femme, Dodola, nous raconte son histoire... Tout commence lorsqu'elle voit son mari assassiné sous ses yeux par des voleurs, elle sort à peine de l'enfance... Elle nous raconte son enlèvement comme esclave, sa fuite lorsqu'elle parvient contre toute attente à échapper à ses ravisseurs en compagnie d'un petit enfant nommé Zam qu'elle sauve d'une mort certaine et qu'elle va considérer désormais comme son petit frère.
Ensemble ils vont trouver refuge dans les sables du désert, cachés derrière la citadelle des dunes, dans l'improbable épave d'un navire échoué là depuis des siècles.
De temps en temps, des caravanes passent.
La suite est un vertige...
Ils vont vivre et grandir au sein de cet étrange endroit, se protéger de la méchanceté des hommes, fuir, se perdre, chercher sans cesse à se retrouver, se perdre encore dans des décors souvent nimbés d'enchantements et de sortilèges, mais où le malheur et la barbarie du monde se tiennent sans cesse en embuscade, prêts à surgir comme des hyènes sur leurs proies.
Plus qu'un roman graphique, Habibi ressemble à un talisman, c'est un écrin de beauté que j''ai ouvert pour me laisser entraîner dans la magie d'un récit majestueux et foisonnant, aux entrelacements multiples.
L'auteur, Craig Thompson, nous convie aux confins des terres de l'Orient et celles de l'Afrique, dans un récit dense, onirique et merveilleux, digne d'un conte des mille et une nuits.
Pourtant, nous sommes sans cesse happés dans les méandres d'un territoire indéfini, bousculés entre songe millénaire et réalité contemporaine, nous traversons des souks, des harems, des palais, des cités industrielles, nous croisons des marchands, des esclaves, des eunuques, des sultans, des hommes sans foi ni loi, des personnages grotesques dans leur soif de cupidité, des jeunes filles piétinées éventrées par la violence sexuelle, nous effleurons des histoires d'amour, les blessures de l'existence, la tourmente, le malheur et la guerre...
Au rythme des chapitres, la page devient comme une porte sacrée sertie d'enluminure et s'ouvrant sur le rebond du récit.
L'évocation des religions pourrait paraître étouffante, il n'en est rien, du moins je ne l'ai pas ressenti comme tel, car cela vient donner sens au récit, dire les fondements de textes sacrés dont les racines s'entremêlent, dire l'espoir, les itinéraires, la domination, les guerres, les fanatismes...
La Bible, la Torah, le Coran livrent leurs entrelacements dans les récits mythiques qui nourrissent l'histoire intime des personnages et la dimension universelle du récit. C'est comme si un long fleuve serpentait les pages, traversait ce livre, emportait Habibi et Zam dans leurs fuites, transportait et déposait ici et là le limons qui façonne l'humanité.
C'est un récit si riche qu'on peut y pénétrer, y venir, s'y perdre avec plusieurs clefs différentes. Dans des pages d'un noir et blanc aux dessins sublimes, chacun y trouvera son compte, son chemin.
Si au commencement était le Verbe, alors j'aime les commencements. Mais Craig Thompson pourrait nous rappeler qu'au commencement le dessin était peut-être là aussi, sous la forme d'un signe tracé dans le sable, d'une calligraphie, mêlant le verbe au geste...
Dans ces pages sensuelles, érudites et sophistiquées, Craig Thompson m'a invité à chaque instant à me tenir à la croisée de multiples chemins entre deux mondes qui se parlent ou s'opposent, le bien et le mal, l'intime et l'universel, la légende et la réalité, l'amitié et l'amour, la féminité et la masculinité, l'Orient et l'Occident...
Mais plus que tout, il y a l'élan romanesque d'un récit qui m'a emporté dans le sillage de deux êtres fragiles et déterminés, Habibi et Zam, façonnés par les sentiments qu'ils éprouvent l'un pour l'autre.
C'est tout simplement beau.
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