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Critique de MonsieurHyacinthe


A rebours, cette histoire avoisine la tragédie et ferait passer Shakespeare pour une auteur de bluettes. Ça soulève bien des thématiques et les tripes. Et pourtant, combien l'on dévore ces pages, curieux et fascinés par le dessin pastel de Tom Tirabosco !
Jamais je n'ai trouvé ces pages ni glauques ni pesantes, malgré la rudesse des protagonistes et des situations. Fascinant dosage de légèreté et de coloris pour faire passer un véritable « roman noir » en une distrayante BD. Chapeau bas ! Il y a du Chaplin dans ces pages, du Renaud Dillies, l'élégance de la pauvreté, la bienveillance des petites gens, le sans-scrupule des mauvais larrons, la noirceur sans la méchanceté, la misère humaine offerte à des coeurs lumineux. On y croît, on y est, on voudrait y rester. Encore une fois, la collection « Un monde » de chez Casterman me séduit, je ne regrette pas mon exploration de leur catalogue haute couture.

L'ouvrage s'ouvre sur la vie esquimau en 1962. Un passionnant chapitre, qui pencherait presque vers le documentaire, le reportage en immersion, tant on y croît. C'est précis et nous semble extra-ordinaire, minimaliste, une vie tournée vers l'essentiel et la survie. Pas une case n'évoque une technique esquimau, un savoir-faire glacière, chaque page porte son flot d'informations, un puits de science à montrer dans toutes les bonnes écoles, sans glose intempestive, sans bulles, sans explications, le dessin se suffisant à lui-même, c'est passionnant et fichtrement renseigné.

S'ensuit alors le début d'un périple américain, un road-trip dont le déclic tient du génie (je ne souhaite pas révéler ici le scénario, mais la belle naïveté du personnage m'a touché et fait rire, à la manière de Charlot, bons sentiments et évidente sincérité guideront notre esquimau). J'aurais aimé avoir cette idée de départ. J'adore. Un esquimau défie le monde moderne pour une broutille de bonté et d'altruisme : rendre quelque chose à quelqu'un. C'est beau, candide, primitif, spontané, loufoque et emporte ma totale adhésion. La preuve qu'il n'y a pas de petits combats.

Autour d'une bande de bras-cassés, qui ne laissent en rien présumer ni du sujet traité, ni de la profondeur de ces pages, le scénario de Pierre Wazem n'est pas en reste. Quelle claque ici aussi ! Simple mais direct, vif mais profond, rapide mais précis, il sait s'accaparer l'essentiel pour camper une critique XXL de la société de consommation, ses abus depuis l'origine du désastre d'une chaîne de production (la pèche intensive) jusqu'à ses travers (parcs d'attraction, sur-pêche, exploitation outrancière des firmes cosmétiques, dérives consuméristes…). Les dialogues se font de peu de mots, mais font mouche. Cet ensemble se lit vitesse grand V, en taillant directement le gras du sujet, en pointant sans détour les excès de la sur-exploitation baleinière. Un pamphlet parfaitement mené à mes yeux. Dont la trame bellement ficelée, crée une boucle scénaristique avisée.

Est-ce mon humeur du jour ? Mais fond, forme, traitement, tout y est pour crier au « petit chef-d'oeuvre ». J'adhère à tout ici. La preuve, j'aurais aimé 300 pages de plus, être nimbé de cet univers encore et encore. Une réussite.
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