Avec l'effondrement de l'URSS, on pensait que la voie était dégagée pour une domination planétaire d'un empire américain.
Emmanuel Todd, dans cet ouvrage, postule en fait l'inverse : la chute du bloc soviétique va provoquer mécaniquement celle de l'Amérique, bien qu'elle sera moins rapide, et moins spectaculaire.
Pour Todd, en effet, l'Amérique est fragile. Économiquement, son déficit commercial explose, et elle est largement dépendante des importations pour sa consommation de biens, qu'elle obtient en échange de dollars, monnaie très appréciée aujourd'hui par le reste du monde, qui est ravi d'écouler ses excédents de production aux États-Unis. Cet échange peut s'apparenter à une sorte de tribut moderne – tant que la confiance dans le dollar, et la crainte devant les États-Unis, se maintiennent.
Point de vue militaire, si la domination des États-Unis sur les mers et dans les airs est incontestable, ses difficultés au sol se font de plus en plus sentir, d'autant que la guerre du Vietnam a marqué les esprits et que la mort d'un seul soldat américain est devenue insupportable pour l'opinion publique.
L'auteur affirme que les États-Unis ont finalement peur de l'isolement : l'Eurasie, constituée d'industries stables (économie réelle et pas spéculative) pourrait très bien se débrouiller toute seule, même si elle ne s'en rend pas encore compte aujourd'hui. Et la disparition de l'Union Soviétique rend caduque son rôle de défenseur du monde libre.
Alors comment sauver son statut ? En créant des menaces qui n'existent pas – le fameux « Axe du Mal », constitués de pays ayant un pouvoir de nuisance régional, dans le meilleur des cas – afin de pouvoir continuer à jouer son rôle de sauveur aux yeux du monde. Choisis pour leur incapacité à offrir une résistance sérieuse, ces pays seront tapissés de bombes, puis laissés en lambeaux faute d'assise suffisante au sol. Avant de recommencer avec la « menace » suivante.
Écrit en 2002, ce livre avait une assez bonne vision des guerres à venir : Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, … on repère bien le schéma tapis de bombe + pays dans un chaos total pour les années à venir. Pour le reste des spéculations, on attend toujours de voir : normalisation des relations de l'Union Européenne avec la Russie et l'Iran, indépendance de plus en plus marquée de l'Union Européenne par rapport à son vieil ami, nervosité des alliés de l'Amérique devant la création de foyers d'instabilité partout dans le monde, etc. Selon les élections dans les différents pays et les sujets d'actualité, on a l'impression d'une danse de type 2 pas en avant, 3 pas en arrière.
Attendons encore 20 ans, pour trancher si cet essai mérite d'être étudié dans toutes les universités pour sa clairvoyance, ou d'être simplement utilisé comme cale sous une table bancale.