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Critique de ATOS


ATOS
09 septembre 2019
J'avoue ne mettre jamais penchée sur l'histoire du colonialisme néerlandais..Notre propre histoire coloniale étant encore empreinte de tant d'opacité que nous avons quelque foisn du mal a comprendre le système colonialisme dans sa globalité. Mais heureusement la littérature et ses auteur-e-s nous permettent d'éclairer nos nuits.
Ce livre fut raconté, puis il fut écrit. Raconté par l'auteur à ses co-détenus. Car ce livre fut crée en prison. Il s'agit donc d'un texte qui aurait pu ne jamais nous parvenir. Rappelons qui en est l'auteur : «  Pramoedya Ananta Toer est né en 1925 sur l'île de Java. Après avoir été emprisonné par le gouvernement colonial hollandais de 1947 à 1949, il est envoyé en 1965, sous la dictature de Suharto, au bagne de Buru, dont il sort en 1979 sous la pression internationale. Grand humaniste, fidèle à ses idéaux jusqu'à la fin de sa vie en 2006, il est surveillé et systématiquement censuré. Son oeuvre est immense – plus de cinquante romans, nouvelles et essais, traduits dans près de quarante langues. Fresque politique, roman d'initiation, d'amour et d'émancipation, le Buru Quartet est une incroyable machine romanesque – géniale, puissante et unique. » Editons Zulma.
« Le monde des hommes » est le premier opus du Buru Quartet. Et c'est un récit percutant.
L'histoire s'ouvre en 1899...L'esclavage est aboli...Le monde se veut « moderne »..
« L'usage du terme empire pour désigner toutes les activités d'outre-mer des néerlandais fait débat car de nombreuses colonies n'étaient en fait que des postes de commerce gouvernées par des entreprises privés, La Compagnie néerlandaise des Indes orientales et la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales. C'est seulement après les guerres napoléoniennes terminées en 1815, que les Britanniques rendirent à la monarchie néerlandaise les possessions que ceux-ci avaient occupé. le pays prit alors directement en charge la gestion des colonies. Après cette date, tous les historiens utilisent le terme d'empire et d'impérialisme, pour faire référence à un aspect plus européen et la plupart du temps, seulement pour la période 1880-1940, de leur colonisation. En 1968, un historien néerlandais écrivit pour un public anglais : « La politique coloniale néerlandaise n'a jamais été dominée par la vision d'établir un empire néerlandais en Asie », S. L. van der Wal dans : Bromley and Kossmann.
De plus, il n'y avait pas de politique d'assimilation, et les indigènes n'étaient pas forcés d'adopter la langue néerlandaise, ou les moeurs ou coutumes des Hollandais, comme la religion, protestante ou catholique. La colonisation était surtout économique, les Indes néerlandaises n'étaient pas une colonie de peuplement pour les colons néerlandais, et la présence des Européens était restreinte. En revanche, les populations étaient soumises à l'occupant, qui pouvait avoir recours au travail forcé » Wikipédia.
Opaque est donc notre histoire, et parfois peu édifiante. Méconnue parce que souvent encore tue.
En lisant l'article de Rokhaya Diallo, paru en 2013 dans les Inrocks, dont je vous invite ici à prendre connaissance : https://www.lesinrocks.com/2013/07/02/actualite/actualite/les-pays-bas-hantes-par-la-memoire-de-lesclavage/ , on comprend l'étendue, les conséquences des traumatismes des peuples et ceux des nations, du «  monde des hommes ».
Il y a une parole qu'il faut entendre, une parole porteuse d'histoires, histoires que les hommes racontent, transmettent, que ce soit du fond de leur cellule ou à travers les livres. Bien fous et bien monstrueux celles et ceux qui voudraient l'enfouir sous les cendres.
La littérature est utile à la compréhension du monde des hommes , à son articulation, à la réémergence de ses vérités.
Il fut un temps… Mais est ce là encore un échappatoire linguistique qui nous pousse à utiliser un temps qui bien qu'il fut n'en reste pas moins présent .
Il fallait un roman pour que cette histoire nous parvienne. Et Pramoedya Ananta Toer l'a écrit.
Oui il fut un temps, où le terme d'« indigène » était une graine putride germant dans le cerveau non moins putride d'un système économique et politique qui envahit le monde. Il fut un temps où l'on s'appropriait le corps des hommes, la terre des hommes. Il fut un temps où la haine de l'autre poussait des hommes à en venir à se haïr ou à se régner soi même. Il fut un temps où des hommes avaient un nom et d'autres n'en avait pas le droit. Il fut un temps où le ventre des femmes ne leur appartenaient pas, il fut un temps où l'enfant que portait une femme ne lui appartenait pas.
Il fut un temps où quelque tribunal de quelque capitale pouvait au nom d'une loi qu'elle était la seule à reconnaître pouvait d'une ligne spolier des hommes de leur terre, de leur droit.
Il fut un temps où les filles et fils d'indigènes se mirent à lire. A apprendre, à comprendre.
Et le temps commencèrent à changer...Mais pas à disparaître, malheureusement.
Il fut un temps où l'histoire n'était parfois plus racontée, il fut un temps où tout pouvait continuer…
Mais il fut également un temps où l'histoire fut imprimée, où des hommes donnèrent des visages aux sans nom.
Cette histoire commence en 1899, à Java. Mais cette histoire résonne dans le coeur du monde entier.
Elle est de partout et de tout temps. « Enfant de toutes les nations » sera le deuxième tome de cette grande histoire. Et il me tarde de la découvrir.
« Han, certes, ce n'est pas chose nouvelle, ce chemin où l'on met ses pas a été maintes fois parcouru mais seul le voyage actuel y pose des jalons ».
« Prison de Buru,
raconté en 1973,
écrit en 1975. »

Astrid Shriqui Garain
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