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Critique de glegat


«Inutilité de la violence » est un essai de Tolstoï extrait d'un ouvrage plus volumineux publié en 1893 ("Le salut est en vous") dans lequel le célèbre écrivain expose ses convictions chrétiennes. Dans « Inutilité de la violence », il s'attaque à la violence sous toutes ses formes et en particulier à la violence exercée par les autorités étatiques. Tolstoï apparaît clairement dans cet ouvrage comme un tenant de l'anarchisme chrétien, un anarchisme non violent. Ce texte a exercé une influence sur de grandes personnalités de la non-violence, comme le Mahatma GANDHI ou Romain ROLLAND.

Cet essai de Tolstoï n'a malheureusement pas empêché le déclenchement de la 1re guerre mondiale 20 ans plus tard, ni l'agression de l'Ukraine par la Russie en 2022. À noter aussi que le vice-président de la Douma d'État et aussi secrétaire de la section régionale de Moscou du parti Russie unie (le parti politique fondé par Poutine) est l'arrière-petit-fils de Léon Tolstoï ! Ce qui ne l'empêche pas d'être aujourd'hui un fervent partisan de la guerre en Ukraine. Il déclarait il y a encore quelques jours « La France pour nous est un ennemi… elle devra payer le prix de son soutien à l'Ukraine… nous brûlerons tous les chars fournis par l'occident à l'Ukraine ». le message de son arrière-grand-père ne lui est pas parvenu. Pour Tolstoï le véritable christianisme — la doctrine de la résignation, du pardon, de l'amour — ne peut pas se concilier avec l'État, avec son despotisme, sa violence, sa justice cruelle et ses guerres… » Page 35

Il dit encore : pour acquérir le pouvoir et le conserver, il faut aimer le pouvoir. Et l'ambition ne s'accorde pas avec la bonté, mais au contraire avec l'orgueil, la ruse, la cruauté » Page 41.
Il veut remplacer toute forme de violence et de coercition de la part d'une autorité publique par la diffusion du principe chrétien et l'influence morale de l'opinion publique. Il s'interroge sur les motivations des forces de l'ordre à exécuter des ordres violents qu'en âme et conscience ils réprouvent, mais exécutent quand même parce que l'ordre vient de l'autorité supérieure qui ne peut pas se tromper.

Tolstoï est en quelque sorte l'antithèse de Poutine : « L'unique but de ta vie doit être de t'affranchir du mensonge et de professer la vérité », ou encore « Les malfaiteurs et les criminels déclarés font moins de mal aux hommes que ceux qui vivent par la violence légale dissimulée par l'hypocrisie ».

Il ne fait aucun doute que si Tolstoï vivait de nos jours il serait au fond d'un sombre cachot en Sibérie à tenir compagnie à Navalny et à tous les opposants politiques de Poutine. Poutine en 2023 a choisi de réhabiliter Staline et les statues de ce tyran sanguinaire fleurissent partout en Russie au lieu et place de celles d'un pacifiste humaniste tel que Tolstoï.

Les convictions de Tolstoï reposent sur sa foi chrétienne intransigeante au point de considérer que « toutes les obligations du citoyen sont contraires à la conscience du chrétien et le serment, et les impôts, et la justice et l'armée ; et c'est sur ces obligations que se base tout le pouvoir de l'État ». Certains ont pu considérer qu'il y avait deux Tolstoï, le grand écrivain, auteur de Guerre et Paix et d'Anna Karénine et le philosophe dont les élucubrations religieuses ne devaient pas être prises en considération. À relire son oeuvre aujourd'hui on ne peut pas dire cela en constatant qu'il dénonce avec précision et simplicité les conséquences qu'un peuple peut subir lorsqu'il confie les rênes du pouvoir à une minorité de privilégiés qui n'ont d'autres ambitions que de conserver et d'étendre leurs acquis au détriment du reste du monde.

Un ouvrage qui exprime avec simplicité et sans jargon des règles de vie que certains politiques devraient méditer :
"Partage ce que tu as avec les autres, n'accumule pas de richesses, ne t'enorgueillis pas, ne vole pas, ne fais pas souffrir, ne tue pas, ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît, tout cela a été dit, non pas il y a dix-huit cents ans, mais cinq mille, et il ne pourrait y avoir de doute sur la vérité de cette loi si l'hypocrisie n'existait pas. On n'aurait pas pu, sinon ne pas la mettre en pratique, au moins ne pas la reconnaître et dire que celui qui ne la pratique pas n'agit pas mal." Page 186.

— « Inutilité de la violence », Léon Tolstoï, Petite biblio Payot, (2022), 202 pages.
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