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Critique de lacerisaie



En moins de cent pages, dans un style limpide, austère et très réaliste Tolstoï nous invite à regarder la mort en face.

Pour construire son propos il choisit une temporalité déstructurée et nous place, dès le premier chapitre face à la dépouille du juge d'instruction Ivan Ilitch Golovine. Gêne, curiosité, peur mais aussi soulagement d'être bien vivant, nous partageons les sentiments de son ami Piotr Ivanovitch.

Puis nous remontons le temps pour connaître cet homme qui n'est plus. "...l'histoire révolue d'Ivan Ilitch était à la fois très simple, très ordinaire et parfaitement atroce." Un personnage singulier, une histoire unique pour viser à l'universel. Comme tant d'autres il vivait une vie superficielle faite de bienséance, d'apparence et d'égoïsme. Seuls comptaient la réussite sociale, les relations utiles, les fonctions haut placées et... le whist.
En quelques pages cette société bourgeoise pleine de vanité est croquée. Tous sont identiques: mesquins, ambitieux, auto-centrés et sans empathie.

Lorsque Ivan Ilitch tombe malade suite à une chute, son regard sur la vie va petit à petit se modifier. Son univers se rétrécit, il s'éloigne de ce milieu mondain plein de mensonges et de faux semblant. La solitude devient son lot quotidien. Même sa famille prend encore un peu plus de distance. Seul dans sa chambre, isolé dans sa douleur physique mais aussi morale, il porte alors un regard peu complaisant mais lucide sur sa vie.
"... Peut-être n'ai je pas vécu comme il aurait fallu."
L'idée de la finitude, de cette mort qui approche l'épouvante. L'acceptation est difficile, douloureuse. Ce face à face permanent avec la mort devient le point de départ d'une auto-analyse et d'une interrogation sur le sens de sa vie. Il remonte alors à son enfance heureuse. Quand tout cela a-t-il basculé? Quand a-t-il tout gâché?

Toute cette angoisse, toutes ces questions résonnent en moi. Qu'est ce qu'une vie bonne? Comment vivre serein dans ce monde où nous venons pour mourir? Comment trouver l'apaisement face à cette finitude programmée?
Qui ne s'est posé ces questions un jour.
Tolstoï a-t-il la réponse? Il me semble que le personnage de Guerassine, jeune domestique d'Ivan Ilitch, nous donne quelques pistes. Lui, l'homme simple s'inscrit dans l'inéluctabilité des choses, " On y passera tous". Loin de l'égoïsme de ces bourgeois parvenus qui fuient la réalité, il accompagne avec empathie, il écoute, il soulage le corps, il allège l'esprit par son bon sens, sa sérénité et sa disponibilité. Il n'attend rien en retour, il ne se détourne pas, il ne fuit pas, il accepte de regarder la déchéance en face.
Sa vie faite de labeurs physiques, proche de la Nature l'ancre dans la réalité inexorable de notre condition de mortel.

Fuir la vanité, la fascination du monde des apparences, l'appât du gain. Faire communauté vraie, s'inscrire dans l'ordre des choses, accepter les cycles inéluctables qui régissent notre monde, mener une vie simple et sincère. Telles sont pour moi les leçons de cette nouvelle magistrale.
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