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Critique de afriqueah



Comment ai-je pu considérer La sonate à Kreutzer comme le meilleur livre jamais écrit ? Comment ai-je, après relectures diverses, considéré seulement l'analyse d'un couple qui se déchire ?
Comment n'ai-je pas lu le message évident, et explicité longuement en conclusion par Tolstoï, en réponse aux questions qui lui ont été posées ?
A la dernière relecture, un peu comme lorsque l'on ouvre les yeux et qu'on découvre les illusions qui nous ont aveuglés, la nouvelle me semble finalement, à la fois, inacceptable et moderne.
Inacceptable, puisque Tolstoï va très loin dans son dégout absolu de l'amour charnel, y compris chez les couples mariés, y compris s'ils s'aiment.
Pas de sexe. Point.
Donc plus d'enfants, qui pourrissent la vie de toute façon, et donc anéantissement voulue de l'humanité.
Moderne, car je sais, bien des romans apocalyptiques se basent sur le concept du triomphe de la nature corrélative à la fin de l'homme exterminateur.

Tolstoï a certes été emporté par son mépris des médecins, qui interviennent toujours au mauvais moment lors des accouchements, et qui, contre émoluments, interdisent à la femme d'allaiter et de faire l'amour. Il est emporté, d'autre part, par son moralisme, sa volonté de pureté, de communiquer presque saintement avec sa moitié. Problème.

Problème sans solution, puisque le désir est là, ses sortilèges rendent fou, rien ne peut l'éteindre : il se déguise alors en « amour », imposture de toute l'histoire, car pour exister il faut de la coquetterie, des pièges féminins dit l'auteur, et, du côté de l'homme, trop de nourriture liée à la fermeture de « la soupape de sûreté » du sexe payant : le tout exacerbant les sens.
Voilà, le traquenard est en place, l'amour est inventé, la poésie, l'attendrissement, et bien évidemment le sexe permis au cours de cet amour marital.

Les contradictions de Tolstoï dans sa vie privée apparaissent au grand jour : les difficultés de son couple avec Sonia/Sophie, horrifiée à la lecture de ce récit, où deux époux s'aimantent pour le plaisir mais n'ont rien à se dire et se déchirent, ou les réconciliations n'effacent jamais les récriminations. La colère de Sophie est bien compréhensible, puisqu'elle voyait l'autobiographie se profiler ;
Elle a lu les pages qui ne la concernaient pas, sur le piège où les femmes sont forcées, comme de petites souris, ou mieux des esclaves mises sur le marché, de plaire(de se faire acheter) .
Or, Sonia/ Sophie est bien plus qu'une petite souris, elle écrit son journal parallèlement à celui de son mari, qui lui a dévoilé le sien avant de se marier avec elle ( ses excès sexuels avec des paysannes et des serves).

Et pourtant, malgré sa blessure, elle aussi est en proie à la contradiction : elle ira voir le tzar lorsque la nouvelle sera rejetée comme immorale, pour qu'elle soit éditée.
Et elle réussira, car rien ne lui résiste, à la faire accepter et paraître.
A-t-elle, comme moi, lu ce pamphlet comme une apologie soupirante des droits de la femme à choisir, à se trouver « l'égale de l'homme, à avoir le droit d'user de l'homme ou de s'abstenir de lui selon son désir, de choisir selon son désir et non d'être choisie. » ?
A-t-elle, par amour, vu le potentiel formidable de son impossible et génial mari ?

J'ai dit inacceptable et moderne, je dis finalement étrange et génial, car analyse multi facettes, jeux dangereux qu'est la volonté d ‘être toujours en phase lors d'un mariage, provocation au crime, manipulations réciproques.
Génial.
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