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Critique de HundredDreams


On connaît Léon Tolstoï pour ses magnifiques fresques romanesques, moins pour ses nouvelles. J'ai pu récemment rencontrer l'auteur russe dans « La mort d'Ivan Illitch », un texte profond, sombre et sans complaisance sur la vie et la mort, l'angoisse et la souffrance, le bonheur et la superficialité, l'hypocrisie et le mensonge des hommes.
J'ai voulu prolonger cette lecture par une nouvelle écrite dans sa jeunesse, « Trois morts », dont l'idée centrale est la même, la mort et son inéluctabilité.

Que signifie mourir ?
Ce thème est récurrent chez Léon Tolstoï. Marqué très tôt par le décès de ses parents, puis de ses frères, Dimitri et Nicolas dont il était très proche, son oeuvre est fortement imprégnée par la mort et témoigne d'une quête profonde pour s'affranchir de son anxiété. Les mots, à la fois simples et sobres, mais aussi pénétrés d'une force douloureuse m'ont touchée par leur authenticité et leur justesse.

Dans ce texte au format très court, environ 19 pages, Léon Tolstoï raconte la mort de trois êtres, la façon dont les proches et eux-mêmes l'appréhendent et la vivent. Chaque parcours est à la fois semblable et très différent par leurs réactions face à l'approche de la mort : l'auteur analyse les sentiments d'angoisse, de déni, de peur, de refus ou simplement d'acceptation de chacun.

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La force du récit réside dans la concision et le réalisme du texte, dans la fin inexorable pour chacun des trois personnages, une femme noble, un vieux cocher et un arbre.

Une voiture et une calèche traversent la campagne dans la grisaille humide de l'automne. A son bord, une femme mourante, persuadée d'échapper à la mort en allant vivre dans un pays plus chaud. Jusqu'au bout dans le déni, elle refuse de voir la déchéance de son corps et sa mort toute proche. A regret, elle meurt comme elle a vécu et son agonie est pesante.

Alors que la vieille dame meurt malgré elle, le vieux cocher malade accepte son sort avec sérénité et s'éteint doucement, silencieusement dans la nuit, enveloppé de peaux de mouton, près de la chaleur réconfortante du poêle.

Enfin la dernière mort, celle de l'arbre, est celle qui m'a le plus touchée, une mort invisible, inaudible, arbitraire dont l'homme meurtrier ne prend même pas conscience. Cette fin a quelque chose d'ironique mais s'inscrit également dans le cycle de la vie.

« Un instant, tout demeura calme, mais l'arbre se pencha de nouveau, de nouveau un craquement se fit entendre dans le tronc et l'arbre laissa tomber sa couronne sur le sol humide en écrasant le taillis et brisant ses branches. le bruit de la hache et celui des pas se turent. La fauvette fit entendre un gazouillement et s'envola plus haut. le rameau sur lequel elle se posa se balança un instant, puis se raidit avec ses feuilles, comme tous les autres. Les arbres se dressèrent orgueilleusement et plus joyeux, avec leurs branches immobiles au-dessus du nouvel espace libre. »

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Si chaque personnage, au seuil de la mort, endure, refuse, subit ou accepte sa mort, il est intéressent de porter aussi son attention sur les comportements de l'entourage, le mari et la servante de la dame, le jeune cocher indifférent à l'agonie du vieil homme, la cuisinière affairée mais prenant le temps de s'occuper du malade, l'oiseau qui accompagne les derniers instants de l'arbre, les arbres alentours qui vont profiter du nouvel espace laissé par l'arbre mort pour se développer.

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Pour conclure, si la nouvelle de Léon Tolstoï n'a pas la puissance et la charge émotionnelle de « La mort d'Ivan Illitch », j'ai vraiment passé un agréable moment à la lire.
La dernière partie du récit est de toute beauté et vaut largement le détour.
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