AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nio


Nio
17 février 2016
L'inestimable Topor nous a laissé une oeuvre immense, surréaliste et mordante, dans quasiment tous les domaines. Ses caricatures et illustrations vont à l'essentiel en arrachant toujours un rictus mi-amusé, mi-ironique, mi-surpris, voire gêné. Car à chaque fois, en quelques traits, incontestablement, il fait mouche. Qu'on se rappelle les affiches des films le tambour et L'empire des sens où le bonhomme avait cerné directement le propos sous-jacent des oeuvres. le génial La planète sauvage de René Laloux reprenait ses dessins et n'en devenait que plus inquiétant. Quand au Locataire de Polanski, il reprend ce qui figure déjà dans le romanle Locataire chimérique du même Topor. Deux oeuvres complémentaires qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lues et vues à la suite, heureusement pour les apprécier directement. C'est là toute la richesse d'une oeuvre passablement humaniste mais qui masque ses craintes derrières des horreurs et un humour très noir.


Joko fête son anniversaire n'y échappe pas et si vous ne connaissez pas Yopor, autant prévenir que le choc sera (délicieusement) rude. Jamais glauque et pourtant le roman bascule très vite de l'absurde à l'horreur fantastique puis sur une horreur fantastique des plus absurdes, laissant toujours conquis du style rapide de l'auteur qui écrit presque comme s'il allait en mourir, c'est à dire avec précision et rapidité sans que cela n'entache jamais le plaisir de ce court roman qu'on aimerait même qu'il en soit plus long. Joko c'est en premier lieu une critique du capitalisme effraîné dans la figure du maître et de son serviteur aliéné au travail sous la figure du "taxi" (enfin du porteur). C'est plus profondément une observation de la bassesse humaine en cours où le puissant n'aura de cesse d'humilier le faible pour son bon plaisir (et ici celui du lecteur).


Topor est un malin puisque si l'on ne s'attache pas à son personnage principal (encore heureux, sinon là, oui, ça deviendrait vraiment glauque et déprimant) c'est parce que les situations deviennent de plus en plus surréalistes et absurdes que les personnages sont eux-même des caricatures pas possibles et difficilment rencontrables dans la vraie vie (par contre dans un film d'Ettore Scola comme Affreux, sales et méchants, là je dis pas...). Ainsi Joko est naïf et bête, sa mère complètement larguée et pleurnicheuse à la moindre occasion (running-gag du roman au passage, cette dernière ramène toujours le moindre problème de Joko à une ex qui l'a quitté depuis trois ans, Suzanne, sans chercher ce qui peut troubler son fils. C'est assez tordant, on dirait un robot), son père une grosse feignasse qui se contrefout de tout et ses soeurs des enfants modèles.


Quand aux puissants que Joko transporte, des gens qui se croient tout permis et supérieurs aux autres (toute ressemblance avec une certaine élite politique hexagonale n'est que purement fortuite), quitte à faire n'importe quoi. Et la situation (que je ne peux dévoiler tellement ça va très loin) ne fera qu'envenimer tout ça. D'autant plus qu'on a de tout là-dedans, du prétendument gentil et empathique docteur Fersen à la sado-masochiste Wanda qui aime qu'on la frappe en passant par le violent Pan Tan qui lui, aime frapper ou l'ignoble et cruel Sir Barnett, on sent que Topor s'amuse comme un fou avec cette galerie de personnages à croquer. Mention spéciale aux amis et collègues de bureau de Joko qui ont tous un prénom en B : "Baptista, Bavastro, Baluro..."

B, comme "Benêts" vu qu'eux aussi vont faire comme Joko sans non plus réfléchir aux conséquences.


C'est noir comme du Kafka côté descente aux enfers, mais plus drôle en somme (certains passages "gores" vont toutefois donner des sueurs froides à certains lecteurs). Même si à ne pas mettre entre toutes les mains, mais quelle pépite, quelle belle découverte grâce à Babelio. Je ne le regrette pas. J'ai même prochainement envie de continuer dans le Topor romancier, c'est dire !
Lien : http://dvdtator.canalblog.co..
Commenter  J’apprécie          00







{* *}