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Critique de Biblioroz


On est attiré par une biographie parce qu'elle va nous ouvrir la maison d'un écrivain alors que, sorties de cette maison, nous ne connaissons encore que les lignes fébrilement couchées sur du papier et imprimées en aval pour toucher nous autres, les lecteurs avides de rentrer dans des univers construits mots après mots.
Alors que je chemine depuis quelques temps dans le monde mouvementé des Rougon-Macquart, j'ai eu envie de découvrir l'homme, auteur de cette fresque aux ingrédients composites si pimentés.

« Combien de petits garçons, rêvent de pouvoir un jour égaler leur père ! Pour Émile, à l'âge de cinq ans, la chose paraît impossible tant sont grands, à ses yeux, le talent, l'autorité, la générosité et la tendresse de l'ingénieur François Zola. » Hélas, ce petit garçon perdra bien prématurément ce père tant admiré qui s'est battu pour faire valider un projet de canal d'irrigation de la ville d'Aix mais qu'il n'aura pas le temps de voir aboutir. Émile, sa mère et ses grands-parents se retrouvent alors face à des créanciers insistants. À douze ans, boursier, Émile rentre dans un collège austère d'Aix-en-Provence où il fait la connaissance de Paul Cézanne. Brillant, travailleur pour faire oublier sa pauvreté, il remporte des prix et compose des vers tout en s'évadant avec ses amis dans la campagne environnante qui le grise. Mais la misère pousse sa mère à déserter Aix pour tenter de mieux vivre à Paris. Son désarroi est énorme, ses études en pâtissent et il échouera au baccalauréat.

Sa correspondance avec ses amis restés dans le Sud est abondante et Henri Troyat en insère habilement des extraits pour alimenter cette biographie en faisant revivre les instants intimes et les sentiments nourris par Zola à ces moments-là.

Que les débuts des grands auteurs sont laborieux ! Émile ne mange pas à sa faim et va ficeler des livres chez Hachette. Après sa première publication dans un journal, il jubile et voit haut. Il vise les sommets, veut une notoriété rapide et y va au culot auprès de certains journaux en vogue. Il est pour le renouveau, autant en matière de peinture chez ses amis qu'en littérature, et lance ainsi le naturalisme.
Tout en étant payé à la ligne dans un journal Marseillais, il travaille sur Thérèse Raquin. Les premières critiques fusent, faisant état de « littérature putride », ce qui attise finalement les ventes… Audacieux, désireux de se démarquer d'Honoré de Balzac qu'il admire, sa plume et ses propos frappent, choquent.

Dans cette biographie passionnante, Henri Troyat nous offre un ensemble vivant en introduisant de petits détails du quotidien de l'auteur inscrits dans les grandes lignes décisives de sa vie. Les circonstances politiques et sociales lors des publications de Zola occupent une juste place dans la narration pour ne pas l'alourdir ni occulter la situation familiale tout aussi importante dans cette vie plutôt casanière de l'écrivain. Ainsi, on apprend que le premier volume de sa fresque s'est terminé en pleine guerre, les évènements extérieurs viennent bien souvent contrecarrer son travail assidu et fiévreux d'écrivain.
Dans le pavillon des Batignolles, les Rougon-Macquart prennent forme, interrompus par de petits moments de pauses passés dans le jardin autour des rosiers et des salades. Plus tard, ce sera dans sa maison de Médan que la flamme de Zola continuera à courir sur le papier, après son travail de documentation impressionnant auquel il se livrait pour chaque ouvrage. Henri Troyat nous accompagne et nous fait emboîter le pas de l'écrivain vers la bibliothèque et bien souvent sur les lieux des futures intrigues où l'homme scannait, annotait, vivait et enregistrait dans sa mémoire toute l'ambiance, tous les détails nécessaires qui devaient alimenter chaque tome. Des croquis étaient esquissés avec minutie pour retranscrire le réel des scènes à venir.
Rien que cette étude colossale fouillant chaque sujet attire à elle seule le plus grand respect face à cette oeuvre !
J'ai vu comment la presse, la société, les amis, se complaisaient à dénigrer, accuser, dénoncer ses écrits. Une chose est sûre, beaucoup de ses publications échauffaient les esprits. Certains louaient le talent derrière ce qui pouvait être perçu comme une provocation.
Sensible, l'homme avait ses blessures laissées par des querelles de confrères qui sont allés jusqu'à l'accuser de plagiat comme Edmond de Goncourt.

Dans cette biographie, Henri Troyat a su faire courir toute la force d'Émile Zola derrière sa table de travail. On y trouve sa vie simple, un peu pantouflarde, nécessaire à son inspiration, et tout son attachement aux petits compagnons canins qui l'ont toujours accompagné. En ressort aussi sa persévérance à rejeter l'injustice dans l'affaire Dreyfus, un témoignage poignant de la petitesse d'un homme face à la force d'un gouvernement. Sa vie conjugale, avec tardivement un double ménage condamnable, aurait pu déprécier l'homme qu'il était mais même là, il désirait, par dessus tout, rendre heureuses les deux femmes qui ont partagé sa vie brusquement interrompue un jour de septembre 1902.
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