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Critique de Cigale17


[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de ELLE 2024]

Dans quatre brefs chapitres de présentation, Beata Umubyeyi Mairesse résume la trame narrative de son témoignage. Elle situe son histoire dans le temps et dans l'espace et explique les terribles circonstances de son départ du Rwanda. Elle expose ce qui l'a amenée à finalement écrire ce livre et tire les conclusions qui se sont imposées à elle. Elle développe ensuite chacun de ces points au fil de ses trouvailles et de ses réflexions dans quatre parties intitulées « Quatre photos  », « Le temps du témoignage », « Terre des hommes » et « L'heure de nous-mêmes ». Les doutes, les questions et les réticences qui l'habitent hantent la totalité de ce récit. Est-elle la personne appropriée pour nous raconter sa fuite du Rwanda ? Est-elle légitime avec sa peau de métisse, noire pour les Blancs, blanche pour les Noirs ? Peut-elle parler au nom de tous ? Peut-elle sortir de la fiction dans laquelle elle s'est réfugiée jusqu'à maintenant pour parler de ce traumatisme ? Elle a eu sa possession (elle racontera comment c'est arrivé) quatre photos du convoi du 18 juin 1994 dans lequel elle et sa mère se trouvaient. Que va-t-elle, que peut-elle faire de ces photos sur lesquelles elle n'a vue ni sa mère ni elle-même ? Elle commence alors une enquête pour tenter de retrouver les enfants qui paraissent sur les photos, mais se rend compte au fil des rencontres qu'il est plus facile de trouver de la documentation sur les sauveurs que sur les victimes… Comment redonner aux victimes la place qui leur est due ?
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Le titre de ce document, le Convoi, rappelle forcément d'autres convois qui me viennent à l'esprit avant ceux du Rwanda. Je trouve que le choix de ce titre permet de sensibiliser le lecteur aux plus récents, ceux du Rwanda. Cependant, dans ce cas, le projet des organisateurs est tout autre : il s'agit de soustraire ces enfants aux mains des génocidaires ! Dès le début, l'autrice pointe d'autres responsabilités que celles des Hutus : « Personne ne veut entendre les rares voix qui rappellent que l'ethnicisation de la société rwandaise est une construction coloniale. Ils s'entretuent depuis la nuit des temps, n'est-ce pas » (p. 17). La chronologie présentée à la fin de l'ouvrage permet de retrouver et de situer les événements, du protectorat allemand (1897) à l'arrivée des Belges (1916) jusqu'à juillet 1994. Même dans la présentation de cette chronologie apparaît l'attitude de la France avant et pendant le génocide. Je vivais au Québec à cette époque, et je me souviens de la froide colère de Roméo Dallaire quand il parlait, en interview, des responsabilités de l'Occident dans ce massacre, tout en déplorant son impuissance à agir en tant que commandant de la MINUAR. Passionnant aussi le questionnement de l'autrice à propos des photos que les reporters prennent des victimes. Elle s'interroge sur leur droit à l'image, sur la violence de cette représentation, sur la conservation des ces témoignages visuels et sur la manière souvent désinvolte dont ils sont utilisés, classés, perdus, diffusés, etc. Comme souvent ceux qui écrivent sur leur propre passé, l'autrice s'interroge encore sur les pièges de la mémoire, la manière dont on transforme ses propres souvenirs, la méfiance qu'elle éprouve envers les interprétations a posteriori, celles des autres, bien sûr, mais, avec un grand souci de vérité, les siennes propres. Un document intéressant et nécessaire, à mon avis, parfois confus et souffrant de quelques redites.
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