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Critique de colimasson


« Depuis qu'on a inventé l'ordre, toutes les grandes vertus sont devenues inutiles. Si un pauvre nous demande une aumône, un audit de la police nous commande de le livrer aux ateliers pour chômeurs. Si un important veut sauver le vieillard qui appelle au secours à la fenêtre d'une maison en flammes, la sentinelle postée à l'entrée le repousse et lui fait savoir que toutes les dépositions ont été prises. Si un jeune courageux veut prendre les armes contre l'ennemi qui menace sa patrie, on l'informe que le roi entretient une armée qui protège l'Etat contre de l'argent. Arminius eut la chance de trouver une époque plus grande. Que pourrait-il faire d'autre aujourd'hui, sinon devenir lieutenant dans un régiment prussien ? »
Henrich von Kleist


Le deuxième volume de la trilogie Fritz Haber poursuit la biographie du personnage à l'orée de la Première Guerre Mondiale, au cours de la période qui s'étend de 1908 à 1914. le conflit est imminent, l'Allemagne veut se donner les moyens d'affirmer sa puissance militaire et Fritz Haber profitera de cette effervescence pour déployer ses talents scientifiques. A ceux qui craignent que ses origines juives ne soient un obstacle à sa volonté de coopération, Fritz Haber fera preuve d'une détermination sans faille, n'hésitant pas à renier ses origines et à abandonner sa famille lorsque le devoir l'appelle. La grandeur de ces hommes que l'on appelle héros est-elle vraiment absolue ? Il faudrait demander à leurs proches pour le savoir, et ne pas se contenter seulement du caractère éblouissant de leurs avancées et découvertes pour juger de leur qualité.




La question de l'ambiguïté des héros se prolonge lorsque surgissent les personnages d'Einstein, de Rathenau ou de Weizmann, célèbre sioniste et futur président de l'Etat d'Israël. Engoncés dans un contexte et une situation dont ils maîtrisent mal tous les ressorts, ils se laissent conquérir par l'amitié de Fritz Haber, ce qui semble pourtant difficilement possible compte tenu du caractère nationaliste et belliciste de ce dernier.
Les interrogations soulevées par David Vandermeulen invitent à la réflexion et à porter un regard plus nuancé sur les personnages qui ont fait l'Histoire –qu'il s'agisse des héros qui donnent leur titre à ce 2e tome, ou de ceux qui s'y opposent et que l'on appelle parfois tyrans ou bourreaux.





Malgré ce fond très riche et stimulant, qui se dégage surtout à l'issue de la lecture de l'album, ce tome des Héros est le moins réussi des trois au niveau dramatique. le personnage de Fritz Haber est survolé, et ses rares interventions apparaissent comme froides, désincarnées, caricaturant presque le type du collaborateur –étonnant puisqu'un autre côté, Vandermeulen porte un regard beaucoup plus nuancé sur ses autres personnages.
L'esthétique de l'album est toujours aussi ravissante, mais porte malheureusement à la confusion. Les traits sont si flous et sombres qu'il n'est pas toujours facile de distinguer la foule des personnages qui remplissent cet album. Et comme d'habitude, la densité des informations à emmagasiner est très lourde. Pour que rien des subtilités qui ne peuplent ce livre ne nous échappent, le recours aux informations sur le site de la bande dessinée est indispensable.




Encore une fois, David Vandermeulen propose une lecture stimulante et une vision de l'Histoire plutôt originale, même si elle n'est pas non plus révolutionnaire. C'est un album qui apporte du plaisir à la fois esthétique et intellectuel, mais dont le but n'est certainement pas de se divertir après une longue journée au boulot. La lecture de la trilogie de Fritz Haber se mérite, et il faut être prêt à y consacrer un peu de son temps.


Lien : http://colimasson.over-blog...
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