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Critique de Dandine


“Je me suis rendu a la seance de cloture du Cine Ideal, place Jacinto Benavente et, alors qu'elle commençait, il m'est venu un de ces vents intempestifs qui maintenant me prennent a tout instant”. Un petit vieux deambule dans Madrid une journee entiere, ne sachant plus retourner chez lui. Il n'a pas perdu tous ses esprits mais il a oublie, avec ses cles, son adresse. Il tourne, petant a tire-larigot, tempetant en son for interieur contre tout ce qu'il voit, ce qu'est devenue une societe, une culture ou il ne se reconnait plus, qu'il denigre. Un truc de vieux. Vieux et conscient. “J'ai trop vecu pour m'offusquer qu'on me traite de fossile, de retrograde ou, comme m'appelle Osorio en faisant le degoute, de « conservateur invetere ». Je le suis et le resterai tant que mon corps tiendra le coup (pas pour tres longtemps, je crains, soit dit en passant)”.

Vargas Llosa est lui-meme bien vieux en 2020, quand il pete ce petit opus a la figure de ses lecteurs. Est-il incontinent ou est-ce une derniere affirmation de ses idees, deguisee en pantalonnade? Je penche pour la deuxieme possibilite. Je pense que son livre se veut une critique, non du monde contemporain, mais de certaines tendances culturelles qu'il voit apparaitre. Et oui, ce livre est aussi une reflexion sur l'age autant qu'un produit de l'age. Avec l'age le monde n'est pas seulement percu comme changeant, different, mais aussi comme etrange, etranger, incommodant. le “c'etait mieux avant" n'est ni juste ni faux, mais peut-etre simplement un effet de l'age. Vargas Llosa nous donne un regard sur un possible devenir, et c'est en un seul et meme temps et son regard particulier, tres aigu, tres critique, et le regard opaque de son personnage, un vieillard aux yeux ternis, cataractes. Les vents que lache inopinement ce vieillard sont autant l'effet de sa deterioration physique que le symbole d'une certaine decadence culturelle, en ses mots: “la transformation de la culture en pur divertissement".

Vargas Llosa promene son personnage dans un Madrid tres reel, enumerant par ce biais des lieux de culture importants a ses yeux, des cinemas, la Bibliotheque Nationale du Paseo de Recoletos, les theatres de la Plaza Santa Ana et de la Plaza de Oriente, le musee du Prado et les galeries du Paseo del pintor Rosales, tous lieux vivants, lieux de rencontre, pour leur opposer les ecrans personnels qui distillent desormais une culture digitale en solitaire. Et l'on sent que Vargas Llosa enumere, nostalgique, ses “lieux de memoire" (selon l'acception de Pierre Nora), les sanctuaires de sa jeunesse. Il est age. Se sent-il vieux, passe, comme son personnage? Cela aussi peut etre envisage. Dans cette optique ce livre serait autant un livre sur la vieillesse que le livre d'un vieil ecrivain. Et rares sont les ecrivains qui ont pondu leurs meilleures oeuvres a cet age avance.
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