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Critique de lanard


Roman peu connu, probablement vite écrit tant l'intrigue est attendue et le dénouement prévisible. Mais Jules Verne visait probablement autre chose qu'un récit bien ficelé en écrivant cette fausse robinsonnade; les deux Robinsons ignorent que leur aventure n'est pas une aventure mais une sorte plaisanterie cosmique à caractère initiatique.
Ils échouent sur une île qu'ils ignorent être la propriété de leur oncle et employeur. Ils croient leur navire sombré corps et biens et n'ont pu le voir repartir vers la Californie. le neveu de l'oncle richissime voulait courir le monde pour se frotter à la vie. Pour accélerer les choses, l'oncle richissime lui offre une robinsonnade montée de toutes pièces.
Le lecteur n'est pas sensé savoir tout cela; il ne sait rien des plans de l'oncle et il peut se croire au même niveau d'information que les héros; comme eux il ignore le caractère provoqué de l'aventure. Cependant, il ne lui est pas demandé beaucoup de perspicacité pour le deviner; le narrateur l'y a bien préparé - jusque dans le titre du roman, l'École des Robinsons.
Derrière cette intrigue cousue de fil blanc se cache - peut-être - un propos plus subtil qui engagerait le mythe du bon sauvage. En effet, tout Robinson a son Vendredi. Si l'on analyse le discours de Jules Verne lorsqu'il parle du sauvage, de l'étranger, du non occidental notre intérêt s'éveille. Deux figures illustrent cette autre humanité; d'abord, le passager clandestin chinois, figure positive dont le dénouement final nous apprendra qu'il séjourna lui aussi sur l'île (mais contre les plans de l'oncle propriétaire de l'île); mais s'il ne s'est pas joint aux deux autres naufragés c'est parce que "un chinois aime à vivre seul. Il se suffit à lui même et n'a besoin de personne!" - c'est lui-même qui le déclare. Il est d'ailleurs le seul des naufragés a être suffisament dégourdi pour faire du feu par ses propres moyens (les deux occidentaux y échouèrent): "Voilà de quel bois sont fait les vrais robinsons! s'écrie l'oncle milliardaire au dénouement. La seconde figure de l'autre est le Noir Carèfinotu. Il est décrit par un narrateur très ambigu comme particulièrement doué de sa personne; mais son organe phonatoire semble semble inapte à la prononciation de l'anglais. Et l'on apprend au dénouement que ce personnage est un faux sauvage, un noir américain parlant parfaitement l'anglais qui a su jouer à merveille son rôle de Vendredi sauvé d'un sacrifice canibale.
Les descriptions de ces personnages (qu'on peut lire en citation ci dessous) ont toutes les caractéristiques du discours raciste ordinaire du temps de Jules Verne. A côté de cela, le récit par sa construction ressemble à une entreprise de démenti de ces préjugés. Pourtant, aucun discours antiraciste direct; l'antiracisme - s'il y a - n'est inscrit que dans l'organisation narrative; par leurs actes ces personnages font preuve d'une certaine supériorité sur l'européen bien que le narrateur les présente en usant d'une phraséologie méprisante qui serait inacceptable aujourd'hui..
La personnalité des deux Robinsons semble même confirmer cette entreprise; un jeune américain pragmatique emblème de l'ouverture à l'autre (c'est lui qui sauve le clandestin chinois du lynchage par des considérations rationnelles) et un professeur de danse et de maintient qui est l'emblème d'un certain conformisme étriqué, fermé à l'inconnu; personnage ridicule, élément comique du récit.
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