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Critique de Lamifranz


A partir des année 1880, Jules Verne essaye de se diversifier : bien sûr il continue à écrire des romans d'aventures et de voyages, comme il sait nous les concocter, en alternant « Education » et « Récréation » (comme stipulé dans son contrat) : « La Jangada » (1881), « Kéraban le Têtu » (1883), « Mathias Sandorf » (1885), « Deux ans de vacances » (1888) ; mais il va inclure dans ses romans un bonne dose de politique : « Nord contre Sud » (1887), « Famille Sans Nom » (1889), « P'tit Bonhomme » (1893), l'optimisme scientifique de ses débuts va peu à peu laisser la place à une morosité puis à un pessimisme de plus en plus appuyé : « Robur le Conquérant » (1886), « le Château des Carpathes » (1892), « Face au drapeau » (1896) ; enfin il va tenter de nouvelles pistes : la suite de romans connus : « le Sphinx des glaces » (1897) (suite des « Aventures d'Arthur Gordon Pym » d'Edgar Allan Poe), ou « Seconde patrie » (suite des « Robinsons suisses » de Jonathan Wyss), il se lance dans de nouveaux domaines, l'utopie politique et sociale : « Les Naufragés du Jonathan » (1909), la dénonciation de l'appétit des richesses : « le Volcan d'or » 1906), et curieusement le roman policier : « Les Frères Kip » (1902) et « Un drame en Livonie » (1904) où dans les deux romans des innocents sont accusés à tort.
Nous sommes en Livonie (c'est le nom générique qui regroupait grosso modo les Pays baltes, au XIXème siècle). Dimitri Nicolef, un patriote slave est accusé du meurtre d'un garçon de courses travaillant pour un banquier pro-germanique. Bien entendu, il est innocent, se suicide de désespoir. Ses amis reprennent l'enquête et le véritable coupable se dénonce à la fin.
Il y a deux pistes à suivre dans ce roman, deux pistes qui se coupent et se recoupent, liées qu'elles sont l'une à l'autre. La première est politique : comme dans « Mathias Sandorf », le personnage principal est un militant d'une minorité opprimée face à une nation agressive : les minorités slaves (Pologne, Ukraine, Pays Baltes) face à l'hégémonie allemande (russe aussi, mais à cette époque les Russes c'est plus ou moins des copains, alors que les Allemands…). La seconde piste est la piste policière : un crime est commis, un coupable est arrêté, mais l'enquête piétine, et un coup de théâtre final (la révélation du vrai coupable) dénouera l'affaire. Jules Verne, on le sait, est un inconditionnel d'Edgar Poe, mais il a aussi lu Gaboriau (les enquêtes de l'inspecteur Lecoq) et Wilkie Collins (l'auteur de « la Dame en blanc »). Dans ce roman à énigme, il s'en tire avec honneur, en ménageant un bon suspense d'un bout à l'autre du récit. Pour le reste, c'est du Jules Verne, il nous fait découvrir le pays, avec son savoir-faire habituel, l'intrigue est bien menée, les personnages crédibles, le rythme soutenu, le lecteur (ou la lectrice) en a comme on dit pour son argent.
Petit détail qui a son importance : le roman, écrit vers 1893-1894, n'a été publié qu'en 1904. La raison ? L'affaire Dreyfus, bien sûr : dans ces années-là, il n'était pas question de publier l'histoire d'un innocent (juif de surcroit) faussement accusé, on aurait eu tôt fait de faire un rapport avec l'actualité. Ce n'est que lorsque l'enquête prend une autre tournure (Dreyfus sera innocenté en 1906) que le roman peut être édité sans trop susciter de remous.
Le grand Jules Verne est déjà loin quand il écrit ce petit roman qui n'est toutefois pas inintéressant : un petit polar insolite, dans un pays peu connu (celui de Nadia dans « Michel Strogoff »), de quoi nous dépayser un peu, avec une énigme policière à la clé… Pas de quoi se plaindre, de toutes façons, avec Jules Verne, il est rare qu'on soit déçu…
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