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300 pages
Lévy Frères (01/01/1874)
5/5   2 notes
Résumé :
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VIème nouvelle humoristique - "Ce que disent les locomotives"

D’un bout de l’Europe à l’autre courent les locomotives empanachées de fumée et jetant au vent de leur éternel refrain :
- Pssschou ! pssschou !...clac ! clac !... clac ! clac !... clac ! clac !...

Ce refrain, vous l’avez entendu bien souvent, mais je gage que vous n’avez jamais songé à le traduire, croyant qu’il dit toujours et à tous la même chose.
Vous vous trompiez.
Recueillez vos souvenirs, consultez ceux d’autrui, et vous vous convaincrez aisément de votre erreur. La signification de ces sanglots et de ces grincements, en apparence monotones, varie selon les impressions, le caractère, la situation de chaque voyageur. Autant d'oreilles, autant d'interprétations.

Pour vous le démontrer, nous allons essayer de traduire sommairement quelques spécimens de ce que dit la locomotive.

1°/
— pssschou !... pssschou !... clac !... clac ! clac!... clac!...
Dans ce compartiment est assis un gros monsieur flanqué de son auguste famille. Le gros monsieur et la famille auguste partent pour visiter la Suisse.
On a pris comme de raison, des billets circulaires (faisant plusieurs destinations et économiques) ; l'économie avant tout ! Que d'hésitations avant de se décider au sacrifice ! Mais les Durand, les bonnetiers d'en face, avaient fait ce voyage la l'année dernière : on ne peut pas décemment, pour le quartier, avoir l'air plus pingre que les Durand.

En route donc !
Toutefois, à peine le train s'est-il mis en mouvement, que le gros monsieur dont la tête somnolente vacille de droite à gauche semble entendre la voix de la locomotive qui lui crie:
— Pssschou !... clac!... clac!...
Tu as été un fier sot tout de même de te laisser entraîner, cela va te coûter les yeux de la tête, imbécile !... Vous êtes cinq. Il faudra prendre au moins pour trois dans tous les restaurants. Ma foi, non, tant pis, vous ne prendrez que pour deux.
Et les chambres ! Les enfants coucheront ensemble, ce sera toujours cela de moins. Il parait que dans ce pays le vin est hors de prix... Une demi-bouteille à chaque repas te coûtera au bas mot... Ils devraient te donner des quarts de bouteille...
Il faudra au moins trois mois de vente pour rattraper cette dépense là.

Et pourquoi, je te le demande, des lacs ?... Tu sais ce que c'est, tu as vu celui d'Enghien... Des Glaciers ! En voilà une curiosité que la glace... comme si l'hiver, tu n’en voyais pas au bois de Boulogne... Sans compter que tous les jours on t'en met au café dans ton mazagran.
« Pssschou !... clac !...clac! Trois cents, quatre cents, cinq cents... peut-être six cents francs, peut-être mille !... Ah si tu pouvais retourner !

2°/
Pssschou !... pssschou !... clac!...clac!...clac!... clac!...

Voyez, blottie dans son coin, cette dame nerveuse dont les 58 printemps tressaillent au moindre bruit.
Pour celle-là, le langage de la locomotive n'est que menaces terrifiantes.

Pssschou !... pssschou !... clac !... clac !...
Il semble que quelque chose vient de craquer... Justement, tu lisais encore tout à l'heure dans ce journal le récit d'un épouvantable accident dont l'Angleterre...
Quelle est cette secousse ? Nous allons dérailler, pour sûr.
Il paraît que les blessures sont horribles dans les rencontres entre trains... On a vu des cuisses rentrer dans l'estomac... On peut recevoir la cervelle de son voisin dans la bouche.
Si encore on était tuée sur le coup ; mais être défigurée !

Ah...Où sont les bonnes vieilles et lentes diligences d'autrefois ?... Quel charmant voyage je fis en 1838... Tu avais seize ans alors... Un beau jeune homme brun occupait le coupé avec nous, et tandis que maman s'était endormie...

Oh ! Un tunnel ! On se croirait en enfer, juste Dieu ! Si cela déraillait, on serait aplati contre ce mur comme une feuille de papier.
Pssschou !... clac !... clac ! Quelle fumée ! Est-ce que le wagon prendrait feu ?...

3°/
Pssschou !... pssschou ! ... clacl... clac!... clac !... clac !...
Ils sont deux, Hélène et Pâris...
Pour échapper à la surveillance d'un mari jaloux, ils ont pris la grande résolution. Pâris a enlevé Hélène. Les deux premières heures ont passé comme un songe ; œillades, soupirs, serrements de mains...
Puis, soit fatigue causée par l’émotion, soit excès de bonheur et besoin de se recueillir, elle s'est pelotonnée dans un coin ; il s'est accoté en face d'elle. Silence.
Pendant ce temps, la locomotive continue à bavarder :

Pssschou !... Pssschou !...clac!...clac!.., clac!...
Chacun traduit de son côté.

Elle :
- Te voilà lancé dans une bien téméraire aventure, ma pauvre Hélène ! Ton mari n'était pas beau, sans doute ; mais, au fond, c'était un brave homme... Si l'amour passe, ne laissant après lui que la lassitude… Que deviendras-tu ?

Lui :
- Elle est charmante, positivement charmante... Un peu maigre peut-être... mais quels yeux. C’est drôle, on dirait qu’il y en a un plus petit que l’autre… Il ne fait pas chaud dans ce wagon. Neuf heures... Sans elle, tu finirais de dîner au cercle, tu fumerais tranquillement un bon cigare... Tiens, au fait...Non, le tabac l’incommode. Il faudra bien pourtant qu’elle s’y habitue.

Et dire que tu avais juré de ne pas te marier pour garder ton indépendance !
Tu as l'air de jouer une pièce du Gymnase (théâtre parisien), mon pauvre garçon... Le Gymnase d'ailleurs, quand le reverras tu ? Car voilà que Paris t'est fermé !
Que va faire le mari ? Se battra-t-il ? Cela, c'est la moindre des choses ! tu tires comme un maître d'armes ; ce qui n'empêche pas qu'on a vu des maladroits vous camper un bon coup d’épée à travers le corps. Enfin !...
Oui, mais s'il met la police à tes trousses. Fichue existence que de tressaillir chaque fois qu'on voit le baudrier d'un gendarme ! En somme, vous auriez bien pu continuer à vous voir sans qu'elle fit cette escapade. Elle t’as peut-être forcé la main, à cause de ta fortune.
Tiens ! Elle s’est endormie !... Ses beaux cheveux se sont déroulés ! Aïe, regarde !... Une fausse natte qui tombe par terre !...

4°/
— Pssschou !... pssschou !... clac !... clac !... clac!...
Sauvons la caisse !
C'est en effet le gérant-escroc d'une société en commandite qui tire au large sur Bruxelles. Il entend des choses dans le refrain de la locomotive !
— Pssschou !... pssschou !... clac !... clac !,..
Vilain bruit ! J'avais justement un cauchemar ; je rêvais que j'étais au bagne et qu'on me ferrait.
Où cacheras-tu ton argent, en attendant que tu aies purgé la coutumace (refus de comparaître au tribunal) ?
Nous ne sommes pas encore à la frontière, malheureux et le télégraphe va vite. Pourquoi ce monsieur qui ouvre la portière et s'assoit, te regarde-t-il si fixement ? Serait-ce un agent ?
Tu appartenais pourtant à une famille honorable, misérable que tu es !

5°/
Pssschou!... pssschou!... clac!... clac!... clac!...
C'est un joueur qui part pour les pays où fleurit la roulette. Comme il lui semble différent le langage de la locomotive à l'aller et au retour !
A l'aller :
— Tu vas voir un pays splendide ! Avec les trois mille francs, mon cher, et un peu de chance...
Au retour :
— Imbécile, cuistre, crétin, stupide, brute, animal... Ignoble le pays ! dégoûtants, ces croupiers ! infâme, le jeu ! Pssschou !... pssschou !... clac!... clac !...

6°/
— Pssschou !... pssschou !... clac!... clac!... clac...
Un acteur qui se rend dans la ville de province où il doit débuter.
— Pssschou !... pssschou !... clac !... clac !...
Plein de talent... tu vas avoir un succès fou... Les directeurs de Paris en entendront parler. Justement l'Opéra a besoin de ténor.
Le même acteur revenant :
Pssschou !... pssschou !... clac !... clac !...
Qui donc prétendait que c'était une ville intelligente ? Des brutes qui n'entendent rien à l'art...
Une cabale ignoble... En attendant, te voilà sur le pavé... (Psssschou ! pssschou !... Clac ! clac…) Hein ? encore un sifflet ? Ils s'acharnent donc... Ah !... Que je suis bête, c'est le train...
----
Ainsi parle la locomotive.
Avais-je tort de vous dire que son langage, en apparence si uniforme, est peut-être le plus varié de tous ?
Excusez les fautes de l'interprète.
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