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Critique de clesbibliofeel


Le titre « Blanches » me plaît... Un beau titre, direct, aveuglant : « blanches » comme les tenues, comme la lumière artificielle qui inonde les couloirs et les salles d'opérations ; nuits blanches des gardes avec trop peu de personnel… le stress et la fatigue. du blanc en contrepoint de cette ville de banlieue parisienne, nommée Villedeuil dans cette fiction, s'inspirant d'un réel étouffant.

Au sein d'un hôpital public qui se fissure de toute part, ils partagent joies et échecs, détresse et amour du métier. Malgré les difficultés, ils tiennent, jusqu'à ce qu'une nuit cet équilibre soit remis en question, bouleversant leurs vies.

Jean-Claude Pouillat est un personnage attachant, un chirurgien qui a passé toute sa carrière dans cet hôpital à proximité des tours d'une ZUP. Il est devenu mélancolique et solitaire suite à une vie familiale explosée, sa femme partie au Québec et ses fils loin de lui. Depuis il boit trop. Laetitia est infirmière a l'accueil des urgences. Son rôle est essentiel et elle est très investie. Son compagnon, Kamel, a bien réussi dans ses études, un diplôme d'ingénieur en poche, il passe des entretiens pour obtenir un emploi. Aimée, jeune femme brillante marquée par un amour tragique avec Arnaud, un des fils de Jean-Claude Pouillat, débute l'internat et choisit d'effectuer son premier stage à Villedeuil, pour se rapprocher du père d'Arnaud. Un peu perdue, solitaire depuis la disparition d'Arnaud, elle se sent attirée par Fabrice, médecin au SAMU, marié et bientôt père, ce qu'il vit mal. Les personnages secondaires sont aussi intéressants : Flora et son mari, Gilles, le père d'Aimée, médecin également... Lors de ces mois vécus ensemble, leurs destins vont s'entremêler dans le quotidien stressant des urgences, avec le risque de dérapage toujours possible. Ce qui ne va tarder !

L'écriture est directe, précise et sans détours, juste ce qu'il faut pour décrire, analyser, préparer le lecteur pour la suite, lecture addictive qui empreinte à certains codes du polar. Je ne crois pas avoir vu cela souvent : ces lignes sautées, « blanches » elles-aussi, qui donnent la respiration et la possibilité d'imaginer ce qui vient d'être lu. J'ai noté une grande maîtrise dans la manière de retranscrire les nombreux dialogues. Un découpage rigoureux, mois par mois sur deux années intenses pour Aimée, ce qui cadre bien avec un environnement scientifique très organisé ou qui devrait l'être. Et pourtant l'amour pour les personnages, pour les gens surgit à chaque page.

L'autrice connaît ce milieu, cela se sent, sa parole est juste. J'admire cette écriture, expression irrépressible pour un livre non formatée, montrant dans la mesure l'entre soi à l'oeuvre dans les quartiers, jusqu'à son expression dans la prise en charge des malades. Que de qualités : scénario savamment construit, psychologie des personnages tout à fait passionnante – je me suis cru par moment dans l'excellente série « En thérapie » –, jusqu'à la fin qui sait nous retenir sans tracer un chemin exact car l'avenir est toujours incertain, dépendant de nos choix individuels et collectifs.

Claire Vesin est née en 1977 à Champigny-sur-Marne. Après une adolescence aux États-Unis et des études de médecine à Paris, elle décide d'exercer en banlieue parisienne, où elle vit aujourd'hui. « Blanches » est son premier roman. Un premier roman poignant. Claire Vesin fait entendre la voix sensible de celles et ceux qui font l'hôpital public et sont marqués à jamais par le combat pour soigner dignement. Un livre reçu dans le cadre de la sélection du Prix du livre Orange qui m'a permis de passer un excellent moment de lecture et de découvrir une nouvelle autrice de talent.

J'ai l'impression que ce sont les professionnels du soin, tels que Martin Winckler (et Claire Vesin…) – Thomas Lilti aussi au cinéma –, qui ont le mieux su traduire ce qui se passe à l'hôpital en produisant des fictions marquantes. Peut-être du fait qu'ils sont au plus près de la vie… et de la mort ? Qu'en pensez-vous ?
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Chronique avec photo sur Blog Bibliofeel, lien direct ci-dessous

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