Citations sur Le goût du temps dans la bouche (17)
Il se remet à neiger. Nico lève la tête pour sentir les flocons frôler ses joues. La douceur, cette nuit, c’est le vent et rien d’autre.
- Combien de temps ça va durer, le manque ?
(...)
- Ça ne passera pas. C'est un mensonge, ça, le deuil qu'on doit « faire » et toutes ces conneries. Un an, deux ans, le temps passe et mon chagrin est intact, il n'a pas bougé d'un cheveu, pas d'un cil. Et les morts s'entassent, et les chagrins, c'est de pire en pire.
- C'est tellement affreux, tu me fais presque rire.
- Surtout tellement vrai. Ne crois personne qui t'assurera que le temps arrange tout.
Elle a fait comme elle a pu. Tout le monde se débat comme il peut. On pense qu'on aura tout le temps pour se rattraper, pour tout dire. Et un jour, on s'aperçoit que le temps s'est desséché, contracté. Que c'est trop tard.
Ce vide que tu ressens, là (elle touche son sternum), rien ne le remplira à nouveau. Ils emportent quelque chose en mourant, et ça, on ne remet pas la main dessus. Et ce qu'ils nous laissent, les souvenirs, c'est pire sans eux.
Ce vide que tu ressens, là (elle touche son sternum), rien ne le remplira à nouveau. Ils emportent quelque chose en mourant, et ça, on ne remet pas la main dessus. Et ce qu'ils nous laissent, les souvenirs, c'est pire sans eux. [...] Non mon petit gars, tout n'ira pas mieux, mais tu t'y feras.
Tout le monde se débat comme il peut. On pense qu'on aura tout le temps pour se rattraper, pour tout dire. Et un jour, on s'aperçoit que le temps s'est desséché, contracté. Que c'est trop tard.
P63
André se dit que c'est la technique, dans cette famille, on passe à autre chose, on enchaîne. On ne règle rien. Des secrets en strates, enfouis là, dessous, tout en bas, sous la rocaille.
Luc renifle l'odeur de son père, ce que la nuit a déposé sur sa peau, dans ses cheveux, sa barbe. Il se dit une semaine ici et il sent déjà la maison, une odeur qui n'existe qu'entre ces murs, la somme de tous les étés passés ici, les embruns, le renfermé des fonds de placard, les serviettes de plage qu'on laissait sécher devant la cheminée allumer même en août, les boîtes de gâteaux, la crème rose dragée que Prudence s'étalait chaque sur le visage et le cou, Oil of Olaz, la poussière des rideaux, les sachets de lavande. Un concentré d'enfance.
Il y a ces secondes étranges, hésitantes, où chacun se demande si on a le droit aux baisers , aux embrassades, ou si on doit se contenter, même quand on se retrouve après des années, d'un salut à bonne distance, d'un flottement timide.
Petite, sache que le jour où on arrête de rire, on meurt.