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Critique de sharpayloves


Dès la première scène [p.5-8], le ton est lancé : nous aurons affaire tous le reste de l'ouvrage à une personnage principale absente d'une vie qu'elle ne sait apprécier à sa juste valeur (un petit ami attentif, des amis passionnés), un repli sur elle-même qui confinera plus tard à un réel auto-centrage. En effet, dans cette première scène où l'on voit Séverine à une soirée entre amis, la tête penchée sur l'épaule de son petit-ami, manifestement lassée par ce type d'évènement social, notre héroïne est caractérisée par son manque d'affirmation en société, manque qui sera trois fois thématisé au cours des scènes suivantes ; une seconde fois dans son cadre scolaire [p.9-11] à travers un professeur qui ignore ses questions portant sur un devoir à faire, et une troisième fois dans son cadre professionnel [p.14-35] à travers son employeur (pour du babysitting).
Au cours de ces trois caractérisations, Séverine (et son manque d'affirmation prétendu) est toujours définie au prisme du regard d'hommes (son petit-copain d'abord, son professeur, son employeur). C'est lors de cette troisième caractérisation que l'élément déclencheur de l'histoire apparaît : se tachant au cours de son babysitting, son employeur lui prête un chemisier de soie. En le portant et en retardant toujours plus le moment de le rendre à celui-ci, Séverine se met à changer et pas pour le mieux. En effet, le chemisier a pour effet principal de la sexualiser, de faire dépendre son image du regard des hommes, de la faire réagir à du harcèlement sexuel par une attitude de consentement qui la dessert...etc. soit tout le contraire que ce que la narration cherche à nous faire croire.
En définitif, cet ouvrage est à déconseiller, il l'est pour au moins trois points :
- Premièrement, l'auteur, Bastien Vivès, ne traite pas avec respect son personnage principal (Séverine) ainsi que bien d'autres qui ne sont que des personnages fonctions, sans indépendance propre par rapport à Séverine ou au scénario - je parle en particulier du petit ami de Séverine qui passe pour quelqu'un d'immature ou chiant alors même qu'il est tout ce qu'il y a de plus adorables face aux réactions incompréhensibles de Séverine.
- Deuxièmement, si Bastien Vivès considère que Séverine devrait être heureuse de cette ascension sociale digne de lui faire miroiter une carrière conditionnée par le désir des hommes, c'est aussi que son mépris ne s'arrête pas à celui de son personnage mais s'étend à son scénario tout entier, exempts de sanctions valables et s'autorisant des caprices scénaristiques sans fondement narratif. Pour exemple de ces caprices, je citerais seulement l'attentat pendant lequel elle a un accident [p.163-164] et qui n'est justifié par l'auteur que par le fait que cet évènement correspondait à l'état d'urgence du personnage (Interview de Bastien Vivès pour le Chemisier : https://www.youtube.com/watch?v=v6IcPqcD5kA ).
- Enfin, s'il existe un certain schisme entre certains fans du livre qui ont adoré le côté "féministe" de l'ouvrage et d'autres critiques qui ont pu souligner le caractère au contraire machiste des valeurs défendues par l'ouvrage, il est très clair que si l'on s'en tient uniquement à l'oeuvre dans ce qu'elle nous présente, sans faire un quelconque procès d'intention à l'auteur, la bande dessinée défend bel et bien une vision sexiste du monde où la masculinité hégémonique prime, où les rêves de carrière des femmes se limitent à leur capacité à être désirées plutôt qu'à être compétentes, où porter un chemisier de luxe est une chance à ne pas manquer pour toute femme qui compte un jour tromper son petit-ami ou faire de l'exhibitionnisme devant une petite fille.
Une bande dessinée définitivement irrattrapable. A ne pas conseiller et à n'offrir à quelqu'un sous aucun prétexte (même si vous le détester) !

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