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Critique de HundredDreams


J'ai choisi de lire ce roman pour la poésie qui se dégage de ce magnifique titre et pour la couverture, pleine de grâce, de charme et de fragilité. Un bref instant de splendeur
Cette biche qui regarde le lecteur est-elle Ocean Vuong qui ne sait s'il peut traverser ou pas au passage piéton ? Que trouvera-t-il de l'autre côté s'il décide de s'engager et de traverser ? Et nous, que trouverons-nous après la lecture de ce roman ?
Cette couverture dégage autant de poésie que de crainte, d'incertitude.
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« Un bref instant de splendeur » est une longue confession, celle d'un fils à sa mère. Une longue lettre sans tabou, sans censure.
Une lettre qu'elle ne lira jamais. Une lettre d'amour, une lettre de haine. Une lettre criante de sincérité, de vérité. Une lettre pour lui dire ce qu'il n'a jamais pu lui avouer, et en particulier son amour pour elle, malgré tous ses manques. L'auteur commence son récit par ces mots :
« Chère Maman,
J'écris pour me rapprocher de toi – même si chaque mot sur la page m'éloigne davantage de là où tu es. »
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Ecrire pour exorciser ses blessures et révéler par écrit ce qui ne peut être dit.
« Depuis tout ce temps je me disais que nous étions nés de la guerre- mais je me trompais, Maman. Nous sommes nés de la beauté.
Que nul ne nous confonde avec le fruit de la violence- mais cette violence a beau avoir traversé le fruit, elle n'a pas réussi à le gâter. »
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Avec beaucoup de finesse et de poésie, l'auteur a choisi le récit épistolaire, s'inspirant en parti seulement, de sa vie pour nous révéler un passé où se déploient fractures, manques, peurs, folie.
Mais au-delà de cette confession, le récit d'Ocean Vuong amène des réflexions intéressantes sur la guerre, l'exil, le déracinement, le racisme, la pauvreté, l'envers du décor du rêve américain, l'éveil du désir sexuel

Les mots de l'auteur nous transpercent. le ton est souvent délicat et fin, mais aussi violent et cru.
Beaucoup de pages sont bouleversantes. Pourquoi ? Parce que magnifiques, parce que difficiles, parce que tristes, parce que révoltantes.
Si je devais résumer ce roman par trois mots, je choisirais : perte, désir, amour.
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Ce roman se découpe en plusieurs parties.
La première, celle que j'ai préférée, nous immerge dans la guerre du Vietnam. Nous faisons la connaissance de la mère et de la grand-mère du narrateur. Leur histoire personnelle est touchante, toutes deux traumatisées par la violence, les horreurs de la guerre et la nécessité de quitter leur pays.
« Je ne savais pas que la guerre était toujours en toi, ni même qu'il y en avait eu une, de guerre, et qu'une fois que ça pénètre en vous ça ne vous quitte jamais – mais ne fait que résonner, un écho qui dessine le visage de votre propre fils. Boum. »

A mi-parcours, le roman devient plus intime, mais aussi plus cru. le récit se nourrit de souvenirs plus récents, comme si l'auteur déroulait un fil conducteur jusqu'à ce jour. le narrateur révèle à sa mère qui il est vraiment. Découverte de son corps, de celui de l'autre.
Cette deuxième partie ne m'a pas touchée autant que la première. Il m'a manqué, pour la trouver remarquable, plus de retenue, plus de pudeur sur cette relation.
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L'écriture d'Ocean Vuong est très originale, mais aussi complexe.
Parfois courtes et saccadées, parfois très longues, les phrases de l'auteur sont le reflet de ses émotions. C'est comme si écrire était un combat intime et faisait mal. Comme si le narrateur avait peur de s'arrêter d'écrire, comme si le moindre arrêt dans ses pensées l'empêcherait de poursuivre ses révélations, de continuer à être sincère.

Mais ce que je retiens aussi et surtout, c'est le récit totalement déstructuré, entre passé et présent, mélangeant plusieurs souvenirs, plusieurs époques, sans parfois aucun repère temporel. Les idées rebondissent de l'une à l'autre, ambivalentes, se croisent, s'entrecroisent, mélangeant la beauté à la laideur, la douceur à la cruauté, le silence à la folie.
Son histoire familiale, entrecoupée de parenthèses philosophiques déstabilisantes, plus difficiles à lire, m'a souvent demandé une relecture pour en apprécier les idées. L'auteur utilise souvent des images et des métaphores pour exprimer ses émotions. Les animaux, monarques, bisons, macaques, élans, soutiennent son propos.
Ce « flottement » dans le récit, m'a troublée et m'a souvent éloignée de l'histoire. Je dois avouer que quelques passages me sont restés nébuleux.
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Il reste qu'Ocean Vuong a du talent. Il signe un beau roman, étrange et déroutant. le récit est poignant, douloureux. Les personnages bien dessinés, marquants, esquintés par la vie, m'ont touchée.
Mais ce long monologue fait de tranches de vie, de souvenirs, de réflexions philosophiques demande aussi des efforts de la part du lecteur pour être compréhensible.
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