Un premier roman flamboyant…nous faisant passer tout au long de la narration du désespoir à la joie… lecture aussi époustouflante qu'éprouvante !
Ce jeune poète
Ocean Vuong nous donne à lire, les plaies ouvertes de trois générations d'exilés vietnamiens aux États-Unis…. le déracinement, la violence omniprésente, les multiples discriminations ,le mal-être des personnes transplantées, la drogue, les dérives multiples, etc.
Un premier roman des plus singuliers…dont le style est très étonnant : tour à tour haché, fluide, rempli de poésie et d'hyper-réalisme… Un texte perturbant mettant en scène un jeune garçon d'origine vietnamienne, transplanté en Amérique, élevé par une mère analphabète, qui se tue au travail dans un salon de manucure, une grand-mère aimante mais schizophrène (à cause de la guerre du Vietnam, et des bombes), délirante…Le récit se présente comme une longue lettre d'un fils à sa mère ; lettre qu'elle ne pourra jamais lire, celle-ci n'ayant jamais pu maîtriser l'anglais, la nouvelle langue de l'exil, après la terre vietnamienne…les traumatismes de la guerre…Le jeune garçon lorsqu'il était auprès de sa mère l'aidait dans son quotidien, à se faire « comprendre » :
« Ce soir-là je me suis promis que les mots ne me manqueraient plus jamais quand tu aurais besoin que je parle pour toi. C'est ainsi qu'a commencé ma carrière d'interprète officiel de la famille. A compter de ce jour, à chaque fois que je le pourrais, je comblerais nos blancs, nos silences, nos bégaiements. Je me suis reprogrammé. J'ai retiré notre langue et arboré mon anglais comme un masque, afin que les autres voient mon visage, et par conséquent , le tien. (p. 47)”
Un jeune garçon , en butte aux discriminations car il est différent, il est « jaune »… ne maîtrise pas bien sa nouvelle langue… Il découvre en grandissant qu'il est « gay »…différence qui s'ajoute aux autres facteurs d'exclusion… le parcours de ce jeune garçon est un mélange de désespérance, de survie, et d'infimes instants de splendeur et de tendresse… à l'image de la belle et touchante illustration choisie pour la couverture : cette biche à la fois douce, élégante , attendrissante…sur des passages cloutés… dans les dangers supposés de la ville !
« Parfois, quand je suis insouciant, je crois que survivre est facile : il n'y a qu'à continuer à avancer avec ce qu'on a, ou ce qu'il reste de ce qu'on vous a donné, jusqu'à ce que quelque chose change – ou jusqu'à prendre conscience, enfin, qu'il est possible de changer sans disparaître, qu'il suffisait d'attendre que la tempête passe sur vous pour découvrir – eh bien oui – que votre nom est toujours rattaché à une chose vivante.”
Comme l'exprime justement une phrase du 4ème de couverture : « Un livre d'une justesse bouleversante sur la capacité des mots à panser les plaies ouvertes depuis des générations »… sans oublier la tendresse et la compassion venant contrebalancer l'insupportable, la violence, la noirceur de certains humains , sans oublier les Etats entraînant dans la guerre leurs peuples!...
Un réquisitoire sous-jacent contre toutes les guerres qui abiment le monde et plusieurs générations, chaque fois. Les cicatrices sont longues à se guérir !. Reste que cette Lettre à sa mère si vaillante garde, envers et contre tout, la tendresse, l'Espoir...l'amour de la Vie qui passe par l'amour des mots !
« Depuis tout ce temps je me disais que nous étions nés de la guerre, mais je me trompais, Maman. Nous sommes nés de la beauté.
Que nul ne nous confonde avec le fruit de la violence-mais cette violence a beau avoir traversé le fruit, elle n'a pas réussi à le gâter. « (p. 270)
Près de 60 critiques 5 mois après sa sortie…Résultat riche de promesses, pour un tout premier roman… Critiques que je ne lirais pas avant , d'avoir rédigé mon “propre ressenti”. Un vrai choc de lecture dû à la fois à l'intensité du contenu et à la Musicalité très colorée de sa prose , prodigue en images fulgurantes, couleurs, sons et odeurs , liées harmonieusement…