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Critique de Merik


Ce genre de livres, on croit le reconnaître de suite même s'il est unique. Il y a une musique familière, elle ressemble à la mélodie du dépouillement d'une âme, aux accents de sincérité traumatisée. Elle vous infuse dès les premières phrases, peu importe presque ce qui se racontera, peu importe qui se racontera. Est-ce Ocean Vuong, est-ce un double narrateur ? C'est « Little Dog » plus sûrement, tel qu'il se présente : « J'ai 28 ans, je fais 1,63 m, 51 kg. Je suis beau sous trois angles exactement, et sinistre de partout ailleurs. Je t'écris de l'intérieur d'un corps qui autrefois t'appartenait. Autrement dit, je t'écris en tant que fils. »
C'est donc sous une forme épistolaire à sens unique que s'engage cette confession, une longue lettre écrite à sa mère analphabète qui ne pourra pas la lire : « Petite fille, tu as regardé, depuis une bananeraie, ton école s'écrouler après une attaque américaine au napalm. À cinq ans, tu n'as plus jamais remis les pieds dans une salle de classe. » C'est aussi sous la forme de flashs, de scénettes pas forcément chronologiques que se révèle son histoire morcelée. Il y interroge sa construction identitaire et ses origines, plus généralement le déracinement de Vietnamiens expatriés aux USA, la violence de la société américaine, la découverte de l'homosexualité, à travers la schizophrénie de sa grand-mère traumatisée à jamais par les bombes américaines au Vietnam, mais aussi son premier amour dramatique, ou son grand-père qui n'en était pas vraiment un.
Mais c'est surtout par la langue que ce livre porte le lecteur. Une langue à la fois tendre et sulfureuse, à la jeunesse fougueuse, crue et poétique, à ingurgiter à petites doses. Une belle langue, avec des mots qui peuvent glisser ou dire, suggérer ou transcender. Il faut parfois leur laisser le temps pour imprégner la conscience, pour que les scènes se déposent au fond des rétines, qu'elles se déclarent à l'émotion. Jusqu'à entendre « l'impossibilité même que tu lises ceci » comme « la seule chose qui me permet de te le dire », et qui fait résonner l'écriture de ce livre comme un pansement pour son auteur.

« Bien joué mec, m'a dit un jour un homme lors d'une soirée, tu fais un massacre avec ta poésie. Tu les exploses tous ». Avec ce premier roman, Ocean Vuong fait aussi une entrée pour le moins remarquée en littérature.
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