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Critique de mayim


mayim
12 février 2020
Waberi s'est rendu au Rwanda en 1998 dans le cadre d'un projet d'écriture qui réunissait plusieurs auteurs africains. Dans ce recueil sont réunis trois nouvelles fictives et trois témoignages personnels de son voyage.

La force de ce recueil repose sur la question que pose l'auteur sur le rôle de l'écriture et des mots après un génocide. Il le rappelle à plusieurs reprises, citant entre autres Primo Levi : il n'est pas le premier à se questionner à ce sujet. Les mots ne sont pas grand-chose mais ils sont tout ce qui reste. Ils sont dérisoires et indispensables. Ils ne sauvent pas les morts mais ils luttent contre ceux qui veulent les tuer une deuxième fois et achever les vivants en les soumettant au silence. Pourtant, les mots ont aussi tué. La nouvelle "La cavalcade" le rappelle de manière glaçante. Elle reprend un discours nauséeux tel qu'on pouvait les entendre à la radio avant et pendant le génocide des Tutsi du Rwanda : par les mots, il insuffle la haine, la fureur du meurtre et justifie toutes les actions par l'histoire, les mythes et la religion. Il s'agit donc ici de réhabiliter la langue et les mots, de leur redonner de la lumière, et de prendre ses responsabilités par la parole comme écrivain et comme humain.

Cette nouvelle est la plus déchirante du recueil. Les autres textes sont plus impressionnistes, certains filent la terrible métaphore agricole présente dans le titre. L'auteur observe la situation actuelle (1998) et témoigne d'une société détruite. Il fait des rencontres mais on en a trop peu détails pour ne pas avoir un sentiment de survol. Il est difficile de dire s'il a de l'espoir pour le futur. S'il donne quelques éléments qui le laissent penser (l'envie de faire des études, l'ouverture d'une librairie), d'autres points le contredisent : l'absence de repentance des génocidaires emprisonnés, la méfiance permanente, la situation brûlante au Burundi voisin…

J'ai été très sensible à l'immense humilité de l'auteur face à son rôle. Presque trop humble puisqu'il manque quand même un peu d'émotions au recueil pour le rendre passionnant. Fidèle à son devoir de mémoire, l'auteur se contente d'observer, d'écouter, de donner une voix, de transmettre et de lutter contre le négationnisme. Seulement ça. Juste ça.
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