Citations sur Moisson de crânes (17)
Les oiseaux voletaient sur les collines comme si de rien n'était, on notait cependant le survol insistant d'une nuée de charognards.
Ah! toutes les intelligences abîmés pour toujours, toutes les lignés épuisées, éteintes, toutes les jeunesses sandwichées entre l'enclume et le marteau qui ne connaîtront les tendresses de l'amour!
Comme dit le dicton populaire, un cancrelat ne donnera jamais un papillon.
Le monde entier tisse, à notre égard, la laine rêche de l'oubli et se rend plus aveugle que l'aveugle.
(dans "La Cavalcade")
C'est toujours comme ça depuis les temps bibliques, les Romains n'ont-ils pas appris aux autres peuples l'usage de la torture comme arme politique pour sauvegarder l'intérêt général ? La sagesse séculaire de nos pères a des limites, vous n'en disconviendrez point, j'en suis sûr, et les hommes de l'avenir se doivent d'affronter les nouvelles exigences que leur impose le monde moderne.
Le malheur danse et sautille au bras de l'Histoire. Les collines, vêtues de leurs ténèbres denses, sont envahies par les milices bovines qui se fraient un passage entre les emmêlements des tiges, les foisonnements de branches et les confusions de lianes. Il se prépare une récolte de crânes, un théâtre qui pourrit les yeux et la tête quand on en a encore une, pleine ou pas. La reine Rumeur mobilise tout le monde, nous précipite dans la boue la plus fermentée. Qui ne dit mot consent pleinement. Une cathédrale de sang et de cendre se profile - une cathédrale digne des mille paroisses du petit pays ou de celle de nos amis du Vatican.
(dans "Terminus")
La volonté du peuple rwandais actuel de s'en sortir par les études s'explique aisément par le système pyramidal, hautement sélectif, qui a cours partout en Afrique, [...]. La machine à générer des frustrations d'hier débouche aujourd'hui sur une soif inextinguible de savoir - une manière comme une autre de renverser la vapeur, l'urgence du vivre prenant toujours le dessus.
Voyage sans escales, au plus loin, au plus profond de l'inhumanité. Les mamelles fertiles de la haine et le treillis du ciel. Un froid de marbre ou de pierre nue. Une peau précaire. Un monde très chaviré. Sang usé, épuisé. Mots fatigués, mille fois mâchonnés. On tue pour rire, pour rien. [...] Toujours, on viole la victime pour rire, pour rien. D'autres fois, le cancrelat fait l'objet d'envie parce qu'il a une chemise propre sur lui, de jalousie [...] ; des soupçons il y en a toujours, pas besoin de chercher des motifs pour ça. [...] Voyage sans escales, au plus loin de l'inhumanité.
(dans "Et les chiens festoyaient")
Soyez forts, sûrs, droits et sans pitié. Vous n'avez pas besoin de stimulants comme dans les autres pays d'Afrique, notre situation est tellement particulière que notre drogue à nous c'est la haine.
(dans "La Cavalcade")
Ah ! toutes les intelligences abîmées pour toujours, toutes les lignées épuisées, éteintes, toutes les jeunesses sandwichées entre l'enclume et le marteau qui ne connaîtront pas les tendresses de l'amour !
(dans "Retour à Kigali")
Pourquoi crier ? Qui pourrait vous entendre, vous porter secours ? [...] Mieux vaut conserver un reste de dignité et garder un silence de mort. Seuls le monde des mortset celui des songes se côtoient, les vivants sont loin, très loin.
(dans "Et les chiens festoyaient")