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Adana , Auschwitz, Kigali : un trio pas très glorieux pour l'humanité du XX° siècle.
Trois noms de villes, mais il pourrait y en avoir d'autres qui résument la barbarie, l'inhumanité et les conséquences dramatiques qu'entraînent la haine de l'Autre institutionnalisée et encouragée.

Dans ce petit ouvrage, c'est des victimes de Kigali qu'Abdourahman Waberi veut qu'on se souvienne. Des pauvres gens qui eux aussi ont eu la mauvaise idée d'appartenir à la mauvaise ethnie, et d'être au mauvais endroit au mauvais moment.

Je n'avais jamais lu cet auteur mais son intervention dans La Grande Librairie avait piquée ma curiosité.
Le livre est composé de deux parties : 3 récits de fiction, puis 3 récits type compte-rendu de voyage.
Les deux se complètent bien, interpellent et amènent le lecteur à réfléchir sur la nature du génocide, les bourreaux, la communauté internationale et l'après-génocide. La première nouvelle est assez...étonnante, à cause de sa structure et du choix du point de vue externe qui suscite difficilement l'intérêt. En revanche, la seconde, "La Cavalcade", qui donne la parole à l'agresseur Hutu qui se cache derrière un "on" impersonnel est bien plus saisissante. Quand à la dernière, qui utilise le chien comme métaphore et emblème du conflit et de l'après, il interpelle sur le côté presque absurde de la situation.
Dans ces trois nouvelles, A. Waberi utilise beaucoup les références et les motifs de violences bibliques : l'Humanité, la haine et la jalousie envers l'Autre ne sont-elles que des répétitions ? N'a-t-on pas évolué depuis l'Antiquité ?
Quant à l'écriture, elle est telle un fleuve : tantôt calme et fluide, tantôt déchaînée mais toujours poétique.
Une découverte intéressante.
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Un texte court mais incisif.
On plane entre poésie, récit et fiction, survolant cet amoncellement de squelettes, pour devoir de mémoire. Parce que l'écriture doit permettre cela
pour raconter et faire vivre les horreurs subies.
Car elle n'a pas toujours servie la cause juste, ici, A.A Waberi redonne à l'immense talent des conteur africains, leur digne place et leur rôle immense lorsqu'il s'agit de contrer la pensé immonde qui voudrait que ce ne soit pas important lorsqu'il s'agit de l'Afrique.
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Ces petits textes sont forts, violents et la poésie de certaines phrases cachent la puissance de la haine, de la violence pure, de la volonté de vouloir reconstruire un pays, de ne pas nier les atrocités qui ont été produites, les conséquences qui en ont découlées, la méfiance et la peur. Mais il y a aussi la dénonciation des silences, aussi violents et lâches que ceux qui ont agi, les complicités induites ou volontaires...
Bref, un petit volume qui fait partie d'une contribution pour le Rwanda et qui a une force réelle. Les mots sont justes et sans fioriture, c'est ce qui fait toute la beauté de la plume dans ce cas.
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Certains titres sont figuratifs et d'autres non, ici on est dans la seconde catégorie. Moisson des crânes parle du Rwanda, de son génocide aussi fulgurant que violent. Pas de témoignage direct comme le précise la préface « Ce livre n'a pas la prétention d'expliquer quoi que ce soit, la fiction en occupe la part centrale. », pourtant les mots sonnent juste. Chaque chapitre nécessite une pause tant ils m'ont paru intense. Les belles tournures de phrase n'enlèvent rien à la cruauté du passé.

« de l'inédit de l'inconnu ils passeront à l'éternité de la langue. »

En début de chapitres il y a une citation d'Aimé Césaire, un homme qui m'a appris que la poésie n'est pas toujours mièvre, elle peut être brutale et incisive. C'est également ce que je retrouve dans ces fictions. le précédent propriétaire a laissé au crayon de papier des annotations et références à la réalité, cela rend la souffrance encore plus réelle. Les abominations décrites ont beaux être sous le terme du fictif, elles s'inspirent pour beaucoup, malheureusement, de la réalité. Rwanda, Allemagne nazie, les douleurs s'entremêlent dans ces textes, qui pour moi sont un coup de coeur, une réussite en tout point, la narration donne l'impression d'être sur place, les textes sont forts et la seconde partie qui fait plus récit de voyage permettent d'avoir ce lien avec la réalité.
Un livre dont on ne sort pas indemne.
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Je recommande complètement ce petit recueil de nouvelles. Les nouvelles traitent du génocide des Tutsis au Rwanda. Elles n'ont pas la prétention d'expliquer et de conter ce qu'il s'est tragiquement passé, ni pourquoi cela est arrivé. On a plutôt ici des ressentis. C'est parfois violent, très émouvant. C'est vraiment très bon
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«  Comment écrire après les massacres rwandais ? »

Que faire d'autre sinon évoquer un instant les âmes et les êtres disparus, les écouter longuement, les effleurer, les caresser avec des mots maladroits et des silences, les survoler à tire-d'aile parce qu'on ne peut plus partager leur sort ?

Waberi écrit sur deux tableaux : celui des témoignages et celui des fictions. Il en résulte une description très rapide - qui n'a pas besoin de commentaires, sur la préparation des massacres : trois mots suffisent : machettes, radio, haine.

D'un côté on voit les génocideurs : ceux qui n'ont rien vu, et ceux qui, dans la prison de Rilima, nient farouchement les évidences.

On voit aussi le courage de ceux qui veulent reconstruire le pays.

Pourtant Waberi se montre-t-il optimiste ? le Burundi peuplé essentiellement de Tutsi ne contient-il pas en germe ce qui fit l'horreur du Rwanda, par le biais des Hutus ?

Comment expliquer qu'un si beau pays puisse, sous l'action de gens ordinaires, basculer dans le sang ?

Les citations d'Aimé Cesaire et de Primo Levi sonnent comme des avertissements, en même temps qu'à la lecture des brèves notations politiques de l'auteur, on s'aperçoit de notre profonde méconnaissance des régimes africains, relégués au bas bout de l'actualité.

Au passage je note la condamnation de Waberi sur « le pouvoir mortifère de la plume » : Certains (dont un historien et un linguiste) ont poussé à la haine et au génocide. Rappeler que l'écrivain a une responsabilité demeure toujours d'actualité.
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Ces textes de Waberi, auteur éthiopien, s'inscrivent dans un projet collectif de contribution des intellectuels africains à la mémoire du génocide. Et c'est bien l'esprit qui préside aux images qu'il rapporte de séjours au Rwanda, à Kigali, ou à Bujumbura. L'idée même de culture après l'indicible, des mots sur ce que l'on ne peut dire. Quelques images puissantes, comme les meutes de chiens devenus féroces, quelques instants d'espoirs (l'ouverture d'une librairie à Kigali), mais au final, la sensation que tout est beaucoup plus complexe, comme à Bujumbura. Ces petits textes n'ont pas la force écrasante de Jean Hatzfeld, mais éclairent d'un regard africain les battements de la culture du continent.
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Waberi s'est rendu au Rwanda en 1998 dans le cadre d'un projet d'écriture qui réunissait plusieurs auteurs africains. Dans ce recueil sont réunis trois nouvelles fictives et trois témoignages personnels de son voyage.

La force de ce recueil repose sur la question que pose l'auteur sur le rôle de l'écriture et des mots après un génocide. Il le rappelle à plusieurs reprises, citant entre autres Primo Levi : il n'est pas le premier à se questionner à ce sujet. Les mots ne sont pas grand-chose mais ils sont tout ce qui reste. Ils sont dérisoires et indispensables. Ils ne sauvent pas les morts mais ils luttent contre ceux qui veulent les tuer une deuxième fois et achever les vivants en les soumettant au silence. Pourtant, les mots ont aussi tué. La nouvelle "La cavalcade" le rappelle de manière glaçante. Elle reprend un discours nauséeux tel qu'on pouvait les entendre à la radio avant et pendant le génocide des Tutsi du Rwanda : par les mots, il insuffle la haine, la fureur du meurtre et justifie toutes les actions par l'histoire, les mythes et la religion. Il s'agit donc ici de réhabiliter la langue et les mots, de leur redonner de la lumière, et de prendre ses responsabilités par la parole comme écrivain et comme humain.

Cette nouvelle est la plus déchirante du recueil. Les autres textes sont plus impressionnistes, certains filent la terrible métaphore agricole présente dans le titre. L'auteur observe la situation actuelle (1998) et témoigne d'une société détruite. Il fait des rencontres mais on en a trop peu détails pour ne pas avoir un sentiment de survol. Il est difficile de dire s'il a de l'espoir pour le futur. S'il donne quelques éléments qui le laissent penser (l'envie de faire des études, l'ouverture d'une librairie), d'autres points le contredisent : l'absence de repentance des génocidaires emprisonnés, la méfiance permanente, la situation brûlante au Burundi voisin…

J'ai été très sensible à l'immense humilité de l'auteur face à son rôle. Presque trop humble puisqu'il manque quand même un peu d'émotions au recueil pour le rendre passionnant. Fidèle à son devoir de mémoire, l'auteur se contente d'observer, d'écouter, de donner une voix, de transmettre et de lutter contre le négationnisme. Seulement ça. Juste ça.
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