AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Biblioroz


Alourdi par le poids de l'urne en laiton, mais surtout par son coeur lesté de chagrin, Franklin Starlight se recueille et laisse couler ses larmes brûlantes pour pleurer le vieil homme. Vingt ans de sa vie dans cette modeste ferme et aujourd'hui, juste les craquements d'une maison vide, son unique monde jusque là. Mais comment y demeurer en l'absence du vieil homme ? Pourtant, l'envie fugace d'ailleurs s'est vite évanouie et il décide de rester.

Quatre années se sont écoulées. Dans ce vaste pays canadien, deux brutes qui ne parlent qu'avec leurs poings, quotidiennement soûles, déversent leur violence sur Emmy, devant les yeux de sa fille Winnie qui, n'ayant pas encore atteint ses dix ans, a déjà visionné beaucoup trop de scènes de déchéance et de brutalités humaines.
Toutes deux décident de fuir cette ivrognerie, cet avachissement répugnant, cette vie uniquement faite de violence.

Frank vit désormais avec Roth qui travaille à la ferme depuis trois ans. Quel joli duo que ces deux célibataires, partageant une amitié simple et réconfortante dont on imagine sans peine l'étendue ! Par des dialogues authentiques, l'auteur véhicule parfaitement leur complicité attachante.
Roth qualifie Frank de bougre au grand coeur et lorsqu'il croisera le chemin d'Emmy, c'est la perception de son côté sauvage mais surtout l'amour qu'elle montre pour sa fille qui le pousseront à lui tendre la main pour préserver et protéger cet amour.

L'auteur joue ici sur deux traques complètement opposées : celle menée par les deux ivrognes qui parcourent le pays pour assouvir leur envie de vengeance vis-à-vis des fugitives et celle suivie par Franklin, sur le pas des animaux sauvages afin de puiser en eux le remède pour soigner ses propres blessures et y perdre sa colère, traque naturelle qu'il insufflera à ses deux protégées.

Il faut garder à l'esprit que ce roman inachevé n'a pas eu la chance d'être retravaillé par son auteur et qu'il n'est donc pas aussi abouti que les précédents. Sa lecture n'en est que plus émouvante.
L'auteur savait mettre les mots justes pour décrire la décrépitude et la violence de la picole.
Mais surtout, il excellait à mettre en oeuvre la symphonie de la nature. Certains chapitres lui rendent un hommage vibrant. Frank photographie le loup hurlant, en arrière-plan le disque lunaire diffuse sa lueur falote. On voit évoluer ce photographe, les pieds chaussés en peau d'orignal pour sentir et appréhender la terre. On perçoit le souffle du loup et on s'hypnotise avec son regard chatoyant. On hume l'odeur de lichen et celle piquante des conifères.

L'auteur nous offre en cadeau d'adieu un Franklin tellement attachant. Frank nous évoque quelques bribes pleines de sagesse de l'héritage du vieil homme. Réservé, refusant le progrès et jugeant chaque valeur des choses, il se repaît et s'emplît de calme tout en puisant la confiance dans la nature. Un équilibre tellement enviable !
Ses leçons pour apprendre à écouter, à intégrer marche, respiration et vision environnementale effacent la solitude intérieure et comblent le vide. C'est ainsi qu'il décrit magnifiquement ses échappées dans la nature.

Le texte s'interrompt avec la disparition de Richard Wagamese. Grâce à la note de l'éditeur et d'un bel épilogue traduit d'une novella de l'auteur, je n'ai ressenti aucune frustration de cette triste interruption.
Si vous avez adoré Les étoiles s'éteignent à l'aube, je pense que vous serez ému et comblé par le devenir de Franklin Starlight, un homme de peu de mots mais dont les rares paroles émerveillent par leur profondeur et leur justesse.
Commenter  J’apprécie          317



Ont apprécié cette critique (29)voir plus




{* *}