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Critique de AugustineBarthelemy


Le « Conseil des Seize » est un mouvement constitué de prédicateurs et de bourgeois ligueurs, financé par les Guise et soutien actif du parti ultra-catholique. Il désirait l'abdication du roi Henri III et la mort d'Henri de Navarre, successeur potentiel d'Henri III, sans descendance, tous deux perçus comme des hérétiques.

Nous suivons donc ce mouvement de l'intérieur, par l'intermédiaire des mémoires d'un moine capucin Pierre Tison, enfant de son époque, qui grandit dans cette atmosphère délétère de haine, qui retrace tout son parcours, suivant fidèlement son maître Jean Boucher, jusque dans l'exil final. Symboliquement, l'auteur le fait naître le 1er mars 1562, jour du massacre de Wassy qui marqua le début de la première guerre de religion en France. Il est témoin de l'extase mystique qui saisit sa mère lors du massacre de la Saint-Barthélémy tandis que son père participe activement à la tuerie. Deux ans plus tard, il perd la parole subitement, après avoir vu la tête tranchée et mutilée de Gabriel de Montgomery (par ailleurs assassin involontaire d'Henri II). Avant de la retrouver tout aussi subitement lors de la journée du 12 mai 1588, quand les bourgeois ligueurs chassèrent Henri III de Paris. Voici bien là un miracle, la preuve que Dieu est du côté des ligueurs et des Seize !

La tentation d'une monarchie théocratique s'insinue peu à peu dans l'esprit des prédicateurs vainqueurs. Mais Paris est assiégé par les troupes du roi et d'Henri de Navarre. le manque de ravitaillement entraîne la famine, les morts s'accumulent et les maladies s'installent. de quoi décourager une population plus si certaine du bien fondé de leurs actes. Il faut à présent pour le conseil des Seize chasser les traîtres dans leur rang, ajouter de la barbarie à la violence.

Et Paris finit par tomber, le roi reconquiert sa ville. le dernier acte ? Armer la main d'un moine, l'abreuver de discours qui le transforme en chevalier de Dieu. le régicide est acclamé par une population extatique.

Mais le temps de l'exil est venu. Henri de Navarre a accédé au trône. Jean Boucher se réfugie dans le Brabant, toujours en compagnie de son fidèle Pierre Tison. Mais si celui-ci est vaincu, si il a le sentiment et l'intuition que leur heure est passée, son maître continue son travail de sape et ses sermons qui invitent au meurtre du faux converti, glorifie dans ses écrits Jean Chatel qui tenta d'assassiner Henri IV en 1594 et appelle de ses voeux un autre candidat au régicide. Et malgré les mains tendues du roi vers la paix, malgré les amnisties de ligueurs, Jean Boucher reste confit dans sa haine, convaincu d'agir pour la gloire de Dieu et de sa foi.

Pierre Tison le quitte. Il rejoint Paris. Que reste-t-il ? Rien. Strictement rien sinon des cendres…

Le roman met en exergue une phrase de Jean Bodin « C'est donc un couteau fort dangereux en la main d'un furieux homme, que l'éloquence en la bouche d'un harangueur mutin. » et rappelle ainsi que la parole est une arme que l'on peut mettre au service du pire, en attisant la peur et la haine, en entretenant l'intolérance d'un peuple apeuré.

C'est un court roman qui navigue dans une période complexe mais qui ne perd jamais son lecteur dans le labyrinthe de l'Histoire. On est plongé au coeur de la haine et des mécanismes du fanatisme, qui justifie tout, aussi bien leurs actes que les conséquences qui en découlent, par la main de Dieu. Une lecture intéressante et riche en enseignements.

Petit plus : le titre de l'ouvrage est une référence à Tertullien et à sa phrase « Satan est le singe de Dieu » en d'autres termes, celui qui revêt son discours d'une apparence divine pour mieux tromper les hommes qui l'écoutent.
Lien : https://enquetelitteraire.wo..
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