Que de déception !
Attiré par un thème mystérieux et de bonnes critiques, j'ai malheureusement refermé
les voleurs d'innocence avec un arrière-gout amer mêlé d'incompréhension.
Incompréhension quant au sens de ce que j'ai lu et face au décalage avec les avis qui m'avaient convaincu de le lire.
Amertume car j'ai le sentiment d'avoir été floué par la quatrième de couverture qui est, pour moi, une totale escroquerie :
Non, la recherche de la nature de la "malédiction des soeurs Chapel" n'est pas un sujet traité par le roman. En substance, la raison des faits terribles qui s'y déroulent n'intéressent curieusement personne et restera globalement inexpliquée au-delà de "les hommes c'est mal, ça tue". Episodiquement, l'auteure essaie d'en faire une parabole de la condition féminine dans un procédé qui à mon avis est artificiel, manque cruellement d'à-propos et est pour le moins facile. le reste de la quatrième de couverture enchaine les effets marketings du même tonneau : non, la crédibilité de "Belinda, la mère a l'esprit torturé qui peut prédire leur destin" n'est pas un enjeu du roman et non, Iris "la cadette" - qui est la narratrice au passage - n'aura pas de "sombre choix à faire pour survivre à tout prix". Enfin, la tonalité "gothique" annoncée m'a laissé à l'arrivée sceptique, mais ne chipotons pas, l'inclusion de quelques psychoses fantomatisées / fantômes psychotisés peut amener éventuellement une très vague filiation avec les textes de
Mary Shelley et de ses consoeurs.
Un synopsis plus honnête aurait été à mon sens : "Les six soeurs Chapel sont maudites, le principe mâle leur est fatal. Iris Chapel, cinquième membre de la sororité, a survécu. Des décennies après les faits, elle va nous raconter son histoire. Heureusement dotée d'une hypermnésie quasi inhumaine, elle nous plongera, page après page, dans le quotidien détaillé de cette famille américaine des années 50."
Car oui, la très large majorité du texte consiste en des descriptions de scènes somme toute assez banales et ce avec une minutie plutôt accessoire - comme par exemple l'énumération de la composition précise d'une série de sandwichs et de leurs garnitures ou la liste des cocktails et des boissons servies à chacun des participants à un repas. Ses kilomètres de banalités plutôt ennuyeuses contrastent d'autant avec la brièveté avec laquelle sont expédiés les moments intenses censés être le coeur de l'intrigue.
Et de mon point de vue, le tout manque de cohérence, à commencer par les motivations des personnages. Passons les états d'âmes des hommes dont on se moque royalement (de toute manière, ils sont, au mieux, débiles à manger du foin). Mais les personnages principaux y compris la narratrice, qui passent pourtant un temps fou à nous expliquer ses moindres pensées, prennent bien souvent des décisions incompréhensibles. J'imagine que l'auteure s'essaie à dresser une espèce de tragédie symbolique sensée se suffire à elle-même. "Pourquoi fait elle n'importe quoi, vous demandez vous ? Parce qu'elle est maudite, voyez-vous ! Donc ça finit mal : c'est le destin !" Soit. Encore une fois, le procédé est facile et en tout cas m'a laissé plus que perplexe.
En résumé donc, j'ai été perdu face à l'oeuvre de
Sarai Walker qui, il me semble, évite paresseusement ce qui aurait dû donner corps au projet (le sens de la malédiction, les rapports homme-femme, la psychologie des soeurs, etc) pour laisser au final un empilement de platitudes peu inspirées.