Je fondis droit sur Marj et m’arrêtai juste devant elle pour la regarder dans les yeux.
— Ne vous approchez plus de moi, de mes amis ou de ma famille. Vous avez eu l’occasion de protéger Eirik et vous avez échoué. Malgré tous vos pouvoirs, il y a une chose que vous êtes incapables de ressentir et de donner, et c’est l’amour. Moi, j’en ai à revendre. Pour lui. Pour Torin. Pour quiconque j’ai envie d’aimer. Eirik est maintenant sous ma protection, et il se portera très bien sans votre aide ou votre stupide artavus.
— Je n’ai aucune intention de devenir une Norne.
— Tant mieux, parce que je ne le permettrai pas.
— Le permettre ? Et qui t’a remis les clés de mon avenir ?
Il s’arrêta et m’examina attentivement. Je déglutis sous la chaleur de son regard. Il me lâcha la main et se pencha pour écarter les cheveux de mon visage.
— Toi, quand tu as traversé la pelouse en courant pour te jeter à mon cou comme si tu m’appartenais. Quand tu me regardes avec un mélange d’étonnement innocent, de charme séducteur et assez de défi dans les yeux pour dissuader un homme moins armé que moi.
Il me souleva le menton et passa son pouce sur ma lèvre inférieure. Mon souffle resta suspendu. Il afficha un sourire de satisfaction qui me fit chavirer.
— … Quand je te touche et que tu retiens ton souffle.
Lentement, sans me quitter des yeux, il baissa la tête.
— … Quand tu oublies de respirer parce que je m’apprête à t’embrasser.
— Tu représentes tout pour moi, Frimousse. Rien n’a d’importance sans toi dans ma vie.
Ses yeux s’assombrirent et son regard balaya mon visage comme s’il cherchait à mémoriser chacun de mes traits.
— Je reviendrai. Pas pour le match. Pas pour les âmes. Pour toi. Je reviendrai pour te faire mienne, Raine Cooper.
— Je me demande s’il est conscient de la chance qu’il a d’avoir ton amour et ton dévouement désintéressé, fit Torin dans mon dos.
Je m’arrêtai et le dévisageai en ouvrant de grands yeux, stupéfaite par ses paroles. Il avait l’air triste.
[...]
— Je t’aime, Torin St James. Mais si tu doutes de mes sentiments ou si tu les compares avec ce que je ressens pour qui que ce soit d’autre, tu ferais mieux de courir aussi vite que tu le prétends, parce que quand je te rattraperai, tu le regretteras
— Tu crois qu’elle est rentrée ? demandai-je.
Torin lança un regard furieux par-dessus son épaule.
— Je t’ai dit de rester là-bas.
— Tu n’as pas dit s’il te plaît.
— Je ne suis pas un petit bout de femme, et bientôt je deviendrai immortelle.
Il soupira.
— Je ne comprends toujours pas pourquoi. Tu es parfaite comme tu es.
— J’aime beaucoup tes taches de rousseur.
La réalité me rattrapa et je reculai.
— Ne fais pas ça.
— Faire quoi ?
— Tout. Ne joue pas avec mes cheveux. Ne me fais pas de compliments. Et ne me regarde surtout pas comme tu viens de le faire.
— Comment ?
— Comme tu l’as fait il y a quelques secondes.
Un sourire malicieux recourba le coin de ses lèvres.
— Et tu n’as pas non plus le droit de me sourire de cette façon. Allons-y avant que je change d’avis.
Il secoua la tête et chaussa ses lunettes de moto.
— Tu es la fille la plus tenace que je connaisse.
Je lui adressai un sourire rayonnant.
— Merci.
— Ce n’était pas un compliment. Tu peux remplacer tenace par casse-pied.
— Pour moi, ça reste un compliment.
Je devenais un instrument et il était un virtuose.
Je peux t'entendre même si tu ne parles pas. Percevoir ta présence sans te voir. Te sentir sans te toucher.
— Torin a triché.
— Torin ne tricherait jamais, m’exclamai-je brusquement. Il est honnête, consciencieux et noble. Il préfèrerait perdre plutôt que de choisir la facilité.