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Critique de Sachenka


C'est un dur monde dans lequel Herbjorg Wassmo nous plonge. Un monde de misère, violent. Mais un monde très intéressant. Dans tous les cas, moi, je l'ai aimé. Davantage que celui que l'auteur nous présentait dans « le livre de Dina », que je trouvais trop polissé et romancé. Dans « La véranda aveugle », nous avons droit à un autre visage de la Norvège. Celui des petits villages de pêche du nord. Où il fait froid. Où des hommes et des femmes qui travaillent durement pour gagner leur pain quotidien. Où les enfants qui doivent apprendre tôt à grandir, à trouver leur voie. Et ils y parviennent en décodant tout ce qui les entoure.

C'est le cas de la petite Tora. Enfin, plus si petite puisqu'elle a onze ans. Alors qu'elle entre dans l'adolescence, elle doit se faire une tête de tous les ragots qui circulent sur son compte. de toutes les insultes que les enfants du village lui lancent. Elle serait née des amours de sa mère et d'un officier allemand pendant l'occupation nazie. Qu'est-ce que cela implique ? Surtout, elle doit surtout repousser les ardeurs de son beau-père Henryk quand il rentre saoul… Dans une autre critique, on compare la jeune fille à un chat écorché et je n'aurais pu mieux trouver.

Heureusement, elle peut compter sur des femmes fortes. D'abord, sa mère Ingrid, travailleuse, et sa tante Rakel, ingénieuse. Cette dernière n'est pas étrangère à la prospérité de son époux. D'ailleurs, quand un feu ravagera les installations de Simon, c'est elle qui le poussera à se reprendre en main. Grâce à ces deux modèles, et celui d'autres femmes du village (dont son institutrice Gunn et son amie Soleil), Tora saura grandir.

Toutefois, commec'était le cas dans « le livre de Dina », les personnages masculins sont plutôt faibles. "Les hommes, on les emmerde", clame Rakel. On retrouve surtout Henryk, un chômeur estropié, éprouve de la difficulté à retenir ses ardeurs. Simon est plutôt docile, c'est son épouse Rakel qui « porte le pantalon ». Les camarades de classe de Tora son méchants, essentiellement des brutes. le seul qui lui tienne lieu d'ami, Frits, est sourd et muet. Cela est un peu décevant.

Mais cette légère déception est largement compensée par la plume particulièrement évocatrice de Herbjorg Wassmo. Au-delà des personnages, il y a le village et la communauté. Je ne sais s'il existe pour vrai mais j'avais l'impression d'y être. À chacune des pages que je tournais, je « sentais » la Norvège. Cette communauté de pêcheurs, austère, où chaque famille cache ses problèmes derrière de portes closes. Les quelques descriptions de lieux, minimalistes mais efficaces, accentuent cette misère sociale mais, en même temps, la rend sympathique. La pluie déprimante, l'obscurité oppressante, le froid envahissant, les maisons à la peinture tellement écaillée qu'elles paraissent grises, les quais et les imposants baraquements des pêcheurs qui occupent la moitié des villageois… toute cette austérité semble naturelle, presque bienvenue. Dans tous les cas, elle fait partie de ces êtres qui craignent surtout le chômage. Ils acceptent cette vie qui est la leur, ils n'en connaissent pas d'autre.

Ceci dit, tout n'est pas que noirceur et misère. Herbjorg Wassmo trouve le moyen d'éclairer de quelques rayons la vie de ses personnages. Et sa plume est tellement douce, fine, délicate. Aborder des sujets aussi difficile (l'éveil à la puberté, les abus) dans un tel décor, c'est tout un tour de force. Partout, il y a cet équilibre. Ces personnages parfois durs, qui s'expriment dans un langage assez cru, sont aussi capables de tendresse. Décidément, « La véranda aveugle » est un grand roman d'apprentissage, une oeuvre à découvrir.
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