Une promesse ? Il avait déjà rompu la promesse de la protéger, cria son orgueil blessé. Mais elle était en vie, chuchota son bon sens et Cénoman avait raison, il y avait sûrement pire que d'appartenir à Ubald. Et si Frédégonde avait opté pour la bonne méthode finalement ? Adélaïde inspira fortement et décida de jouer le tout pour le tout, elle allait baisser sa garde, au moins cette nuit. Elle voulait savoir s'il y avait encore quelque chose à sauver entre eux.
Le roi des Francs, voilà ce qu’il est aujourd’hui, pensèrent tous les nouveaux arrivants.
Il a réussi, se dit Ubald en rivant ses yeux sur le visage ridé de celui qui avait conquis tous les royaumes de Francie à l’image e son père.
- Digne successeur de Clovis, reprit Chilpéric en levant son verre en l’honneur de son père.
Epuisé par le voyage et affaibli par ses blessures, il s’appuya à une poutre pour reprendre son souffle.
- Asseyez-vous mon prince, dit Adélaïde qui avait peur qu’il ne s’écroule. Ubald aidez-moi, demanda-t-elle au chef de la garde en insistant du regard.
- Qu’as-tu mon fils ? demanda le roi en s’approchant de la petite troupe.
- J’ai dansé avec un ours en forêt du Mans, plaisanta le prince livide en repoussant la main secourable de la jeune femme. Il n’a pas apprécié que je chasse sur le même terrain que lui.
- Qui est-ce ? ajouta le roi en regardant Adélaïde d’un air appréciateur.
- Je suis Adélaïde d’Orléans, Votre majesté, dit la jeune femme en plongeant dans une gracieuse révérence.
- Une des filles de Wiliachaire, excellente guérisseuse de surcroît, si je suis en vie aujourd’hui c’est grâce à elle, dit le prince reconnaissant.
Un sourire indulgent et compatissant se dessina sur les lèvres du saint homme, son regard clairvoyant savait percer les carapaces les plus dures. Ubald était un sujet d'étude intéressant, aussi imperméable qu'un coffre-fort, il dissimulait toujours la meilleure part de lui-même sous cet orgueil et cette froideur que son professeur connaissait bien. Mais sous cette carapace d'airain battait un coeur passionné et compatissant. En dépit de son jeune âge, Ubald était de la race des seigneurs, ceux qui se battent pour un idéal ou pour un suzerain digne de confiance ; il était promis à un grand avenir.
Aubes et crépuscules en ces jours las se confondent,
Mon coeur lacéré par tes griffes, gît sous la tombe.
Et ta voix sonne aux éclats d'un soleil rageur,
Me laissant perdue, seule, aux portes de la peur.
Je ne trouve plus les mots qu'il faudrait là te dire,
Fallait-il de l'amour menteur se prévenir ?
- Vous devriez rentrer à l'abri de la lumière Aria. Dans l'ombre je crains de ne pas pouvoir vous résister bien longtemps, reprit-il en effleurant ses lèvres de sa bouche.
Ubald, le lynx d'Austrasie ? demanda le jeune prince amusé, un guerrier comme ambassadeur ? Faut-il y voir un sens caché, cousin ?
- Pleurer ceux que tu aimes ne fait pas de toi un faible mon fils, mais simplement un être humain. Notre Seigneur lui-même a pleuré la mort de son ami Lazare.