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Critique de Biblioroz


Sous les prémices du printemps, dans la campagne galloise, les mélèzes et les bouleaux argentés du Boqueteau posent leurs empreintes sur les premières lignes. Y courent la robe fauve d'une jeune renarde et sa toute jeune maîtresse, Hazel, dont la chevelure flamboie du même ton que celle du pelage de Foxy. Elles se dirigent vers une minuscule cabane d'où s'échappent de douces notes tirées d'une harpe dorée. Dans cette cabane, Hazel vit en sauvageonne avec son père et n'a jamais reçu ni éducation, ni amour de la part de ses parents. À sa mort, sa mère lui a laissé un vieux livre gribouillé de sortilèges et superstitions et Hazel en a fait sa bible, ne distinguant plus le réel des légendes perpétrées dont celle de la meute de la Mort qui la panique. Car la jeune fille a un profond dégoût de la chasse et se porte au secours des pauvres bêtes prises au piège. Elle se dit et se veut libre et s'identifie au monde sauvage plutôt qu'au monde humain dont elle ignore presque tout.

Les conséquences d'une robe à acheter, d'une tante imbuvable, rigide et inhospitalière, jettent l'innocente Hazel sur la grande route, au sortir de la ville, alors que la neige vient glacer son retour vers le Boqueteau. Là, passe Jack Reddin, hobereau du manoir d'Undern, qui lui offre l'hospitalité doublée rapidement par l'envie d'en faire sa maîtresse.
Il faut s'arrêter un moment sur la sinistre description que l'auteure confère à ce manoir auquel elle donne une âme féroce auréolée d'une atmosphère angoissante et brutale. Même la végétation alentour écrase les lieux et se fait menaçante, accablante. Magistrale représentation !
Ici y vivent donc Reddin et son vieux valet Vessins, personnage insolite qu'il vous faut absolument découvrir tellement il est croqué avec originalité et brio !

D'une naïveté confondante, ignorante des autres et d'elle-même, la candide Hazel sera confrontée aux désirs de possession de deux hommes alors que, d'une franchise puérile et loin d'avoir froid aux yeux dans ses propos, elle tente de se faire entendre en répliquant « Les gens disent toujours que je suis à eux. J'aimerais mieux être à moi. » Refusant l'appartenance à quelqu'un, elle sera apeurée et en même temps fascinée et troublée par Reddin, chasseur cruel mais dont la rudesse et la virilité éveillent une attirance qu'elle ne comprend pas. Quant au pasteur Marston, il voit en Hazel la pureté qu'il veut protéger mais sans partager non plus l'intense passion d'Hazel pour la liberté, la nature et la fragilité des animaux confrontés à la barbarie des hommes.

Par La Renarde, Mary Webb se fait l'écho de l'absurdité et de la férocité des hommes à vouloir posséder la femme sans jamais s'interroger sur les propres désirs de l'être convoité. L'un incarne la cruauté, l'égoïsme, l'instinct de chasseur et le caractère destructeur de la société humaine. L'autre, protecteur idéaliste, ébloui par cette créature si vivante et sauvage qu'il désire apprivoiser, ne sait pas non plus répondre aux volontés de la jeune femme. Un autre antagonisme progresse aussi chez Hazel, celui du rejet de devenir une femme en même temps que l'envie naturelle d'être admirée et désirée.

La romancière saisit admirablement la nature et verse dans ses phrases toute la vivacité de la flore et tous les mouvements et chants des différents oiseaux qui la traversent dans la frénésie de leurs vols. Elle nous en offre tantôt une peinture lumineuse, tantôt la dote d'une impression lugubre où un sombre destin semble s'y tapir. Dans ces bois gallois, la beauté de la nature et la chasse se confrontent.

Relativement inclassable, perçu comme un cri déchirant face à l'oppression des faibles, on entre dans cette lecture en ignorant si l'on évolue dans un conte cruel et tragique ou un roman dénonciateur. La nature et la marginalité se heurtent aux hommes excessivement possessifs et aveugles. Victimes de la société humaine, Hazel, Foxy et sa petite ménagerie d'estropiés ne peuvent laisser insensibles.
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