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Critique de Arakasi


La première fois qu'Harry August renaît, son esprit craque. A l'âge de sept ans, il se suicide en se jetant d'une fenêtre de l'asile où ses parents l'ont fait enfermer, incapable de concilier son âme de vieillard et son corps d'enfant trop familier. A sa troisième vie, il tente de comprendre, cherchant dans la religion un éclaircissement à sa curieuse malédiction personnelle – sans succès, bien entendu. A sa quatrième vie, enfin, une amorce d'explication lui est offerte quand il est approché par le cercle Cronus, une curieuse association regroupant des gens de toutes origines sociales et de toutes nationalités. Ces gens-là n'ont qu'une chose en commun : à l'instar d'Harry, ils sont des ouroboriens, des personnes condamnées à revivre éternellement leur vie de leur naissance à leur mort, tout en conservant les souvenirs de toutes leurs existences précédentes.

Les ouroboriens ont toujours été là, dissimulés parmi la foule et dotés d'une bien meilleure connaissance du futur que nous, malheureux linéaires, puisque leur particularité leur permet de communiquer de génération à génération, de jeunes enfants à vieillards agonisants. Or, à l'orée de la sixième vie d'Harry, les messages transmis par les générations futures prennent soudain une coloration inquiétante. La fin du monde arrive. Rien de nouveau à ça, me direz-vous, la fin du monde est toujours en train d'arriver ! Mais le hic, c'est qu'elle arrive de plus en plus en vite, se rapprochant un peu plus à chaque nouvelle boucle temporelle. Les linéaires ne pouvant influencer le cours de l'Histoire, la cause de cette dramatique situation doit obligatoirement venir d'un ouroborien, aussi Harry part-il en chasse, épaulé par les autres membres du cercle Cronus. Pour la première fois de son étrange existence, Harry est rattrapé par le temps : s'il ne se presse pas, dans neuf ou dix vies à peine, le monde ne sera plus que ruines fumantes avant même d'avoir atteint le XXIe siècle…

J'avoue avoir débuté ce livre avec une bonne dose de scepticisme, l'idée de base me faisant beaucoup trop penser à « Replay » de Ken Grimwood qui ne m'avait pas laissée un souvenir impérissable – loin s'en fallait… Heureusement, j'ai le plaisir d'affirmer à présent que je me fourrais le doigt dans l'oeil jusqu'au coude ! Certes, les deux romans ont certains points communs, mais le livre de Claire North (de son vrai nom Catherine Webb) s'est révélé rapidement infiniment mieux tourné et subtil que son prédécesseur, beaucoup trop américanisé et bien-pensant à mon goût. L'auteure a l'intelligence d'éviter une narration linéaire et préfère laisser la bride à son narrateur, le laissant zigzaguer sans complexe du présent au passé, alternant tranches de récits, souvenirs et réflexions personnelles. Ce parti-pris peut paraître assez risqué par son côté déstructuré, mais il s'avère finalement très payant et permet à la romancière d'aborder un grand nombre de thématiques et d'idées, toutes plus fascinantes les unes que les autres.

Le style d'écriture est également fort agréable, avec une note omniprésente d'ironie pince-sans-rire, versant parfois dans l'humour noir. On pourrait regretter l'aspect un peu caricatural de la majorité des personnages secondaires – à l'exception du très intéressant Vincent Rankis dont je ne vous parlerai pas pour vous laisser le plaisir douteux de faire sa connaissance – mais cet inconvénient reste secondaire par rapport à l'intelligence et à l'originalité rafraichissante de l'ensemble. Une bonne surprise et une jeune auteure tout à fait prometteuse !
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