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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Derrière le prétexte d'une note à propos des partis, c'est encore une fois la recherche de la pureté de la Vérité avec une majuscule dont parle ici Simone Weil, sujet dont l'oeuvre ne s'éloigne jamais.

Son discours commence par une brillante et très rigoureuse réflexion sur le bien que peut apporter la démocratie. La philosophe démontre que la démocratie ne renferme pas de bien par essence, et ne peut, au mieux, que se révéler être le système qui a le plus de chance de faire advenir le bien, c'est à dire la vérité et la justice.
Mais pour cela il faut que la volonté générale puisse s'appliquer sans subir les passions collectives qui polluent la prise de décision.
Elle affirme également que le système représentatif plutôt que direct est un frein à l'expression de la résolution générale. Pour ces deux raisons, elle conclue que la République Française ne peut pas être considérée comme une démocratie.

Mais ce qui d'après elle, empêche le plus la démocratie d'advenir en France, c'est la présence des partis politiques qu'elle qualifie de machines à fabriquer de la passion collective, de l'hystérie sociétale.
Du fait de leur fin naturelle, qui est leur propre croissance, ils sont des totalitarismes en herbe qui recherchent la puissance à travers une doctrine au lieu du Bien à travers une pensée.

L'acmé de son raisonnement survient lorsqu'elle dénonce le relativisme de la vérité qui permet de renverser, dans les partis, la pensée et la conclusion : "je suis conservateur donc je pense que..." plutôt que "je pense que... donc je suis conservateur".
On prend position pour une opinion et ensuite seulement on cherche des arguments pour justifier son propre dogme, c'est donc la négation de la vérité comme bien général préalable.

Simone Weil reprend alors la thèse qui sous-tend toute son entreprise. le désir de la vérité élève l'âme et la rend disponible à la lumière de la vérité, c'est ce qu'elle nomme le mécanisme de l'attention. C'est donc une mise à disposition presque mystique de sa conscience, sans rien désirer d'autre que la vérité nue.

L'adhésion à un parti créé de facto un déséquilibre, un biais dans la recherche de vérité puisqu'il est impossible, même aux esprits les plus éclairés, de connaître l'intégralité de la doctrine du parti sur tous les points. Or, après y avoir adhéré, le nouveau membre est forcément influencé, même inconsciemment, par la propagande de son parti, ce qui l'empêche d'être dans les dispositions qui permettent de toucher la vérité dans le cadre décrit par Simone Weil.

Le fait de prendre parti, d'être pour ou contre, s'est ainsi substitué à la pensée, à la réflexion de plus large cadre, ce qui conduit la philosophe à réclamer la suppression de ces partis parasites.
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L'existence des partis nous semble évidente. Vraiment ?
Pourquoi donc ?
Parce que l'on vit avec depuis longtemps, depuis « toujours » pourrait-on dire…
Alors on n'essaie pas de trouver un autre système, on se dit que c'est un mal pour un bien, que c'est grâce à eux qu'on peut rentrer dans « la machine politique » et « faire quelque chose ». Vraiment ?
Je veux dire, est-ce qu'entrer dans l'institution la fait changer ?

C'est ce que se demande Simone Weil dans ce court essai. Sans doute pas son texte le plus pertinent mais j'aime la réflexion : il est pour moi tout à fait nécessaire de tout remettre en cause tout le temps. Surtout quand ces « choses » ne marchent pas bien … alors quand j'ai vu ce petit Allia entre deux essais pompeux sur notre république, j'ai craqué (et laissé en place ces gros livres qui voulaient sauver le monde en changeant des virgules). Bien sûr il n'y a pas grand chose de révolutionnaire dans ce texte, c'est pourtant un bon support de réflexion !

« Il n'y a rien de plus simple que de ne pas penser », notre enlisement dans la hiérarchie des partis l'illustre bien ! Sur le fil entre nécessité de créer des mouvements de « masses », de rassembler les individus, et formation qu'ils apportent. Forçant leurs membres à adhérer à des idées qui ne sont pas les leurs et à les défendre en public… illustrant à merveille la figure du Menteur qu'on leur prête volontiers. Elle arrive donc à la conclusion qu'il faut les destituer et que chacun se regroupe librement dans un mouvement perpétuel en fonction des affinités face à tel ou tel problème/question. Non pas dans une institution fixe, mais dans un système d'alliances temporaires et souples.
A mes yeux, ces quelques pages sont une amorce pour parler des partis, de leur importance fictive ou réelle, et de ce qu'on aimerait en faire. Ce que chacun de nous peut faire pour, avec, contre, ou simplement les ignorer. Un texte important, accessible, à relire d'urgence !
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Dommage que cette note, qui, à juste titre, s'appuie largement sur des réflexions et intuitions de JJ Rousseau, ait omis l'angle de vue purement mathématique, et datant lui aussi du siècle des Lumières,
qui avait conduit Condorcet à démontrer son "théorème du jury" !
(L'argumentation aurait par ailleurs été plus percutante si elle avait su éviter l'a priori douteux d'une "la vérité")

Toutes les citations suivantes conduisent immédiatement à ce couplage entre l'intuition de JJ Rousseau
( "Si, quand le peuple suffisamment informé délibère, les citoyens n'avaient aucune communication entre eux, du grand nombre de petites différences résulterait toujours la volonté générale, et la délibération serait toujours bonne. Mais quand il se fait des brigues, des associations partielles aux dépens de la grande, la volonté de chacune de ces associations devient générale par rapport à ses membres, et particulière par rapport à l'État : on peut dire alors qu'il n'y a plus autant de votants que d'hommes, mais seulement autant que d'associations. Les différences deviennent moins nombreuses et donnent un résultat moins général. Enfin quand une de ces associations est si grande qu'elle l'emporte sur toutes les autres, vous n'avez plus pour résultat une somme de petites différences, mais une différence unique ; alors il n'y a plus de volonté générale, et l'avis qui l'emporte n'est qu'un avis particulier.
Il importe donc, pour avoir bien l'énoncé de la volonté générale, qu'il n'y ait pas de société partielle dans l'État, et que chaque citoyen n'opine que d'après lui ")
et la formulation-démonstration-mathématique exposée par Condorcet dans son 'théorème du jury".

Citations du texte de Simone Weil :

L'idée de parti n'entrait pas dans la conception politique française de 1789, sinon comme mal à éviter

La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, estimés efficaces à tort ou à raison.

Notre idéal républicain procède entièrement de la notion de volonté générale due à Rousseau, Mais le sens de la notion a été perdu presque tout de suite, parce qu'elle est complexe et demande un degré d'attention élevé

si, sur un problème général, chacun réfléchit tout seul et exprime une opinion, et si ensuite les opinions sont comparées entre elles, probablement elles coïncideront par la partie juste et raisonnable de chacune et différeront par les injustices et les erreurs.
C'est uniquement en vertu d'un raisonnement de ce genre qu'on admet que le consensus universel indique la vérité

Le véritable esprit de 1789 consiste à penser, non pas qu'une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu'à certaines conditions le vouloir du peuple a plus de chances qu'aucun autre vouloir d'être conforme à la justice.

Le véritable esprit de 1789 consiste à penser, non pas qu'une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu'à certaines conditions le vouloir du peuple a plus de chances qu'aucun autre vouloir d'être conforme à la justice.

Lien : http://gonic.lyon.free.fr/vo..
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Un des textes les plus courts de la philosophe Simone Weil concerne le principe de parti politique et la nécessité de les supprimer.
Ce texte est étonnant par sa radicalité et sa précision. Simone Weil explique très simplement les raisons qui justifient la suppression générale des partis. Elle ne voit aucun bien à leur existence et énumère le trouble que ces partis ont jeté sur la notion de l'état. Elle s'empare d'un sujet presque banal, souvent cliché des conversations de comptoirs, pour en faire un manifeste replaçant le citoyen au coeur de la société. Simone Weil explore tous les mécanismes des partis et la manipulation sur les comportements humains et citoyens. Elle aborde notamment cette question de la passion générale. Pour sortir le texte de toute mauvaise interprétation, cet essai est entouré de propos éclairants. Les avant-propos et postfaces permettent de voir l'évolution du point de vue sur l'existence des partis. Aujourd'hui, remettre en cause leur présence est associé à un déni de démocratie. Cela permet de comprendre la force du propos de la philosophe.
Lien : https://tourneurdepages.word..
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