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Critique de Il_voyage


Ecrire un roman sur la seconde guerre mondiale, à fortiori sur la réalité des camps de concentration, et à destination d'un jeune public, semble relever d'une forme de mission impossible.

C'est pourtant le défi que relève Elizabeth Wein dans "Rose sous les bombes", un ouvrage reçu dans mon paquet-surprise de ... Noël (!!!) du CDI de mon collège.

Je suis bien incapable - malgré ma fonction de prof d'histoire - de déterminer si des erreurs factuelles se sont glissées dans le récit. Peut-être, et si je devais travailler à partir du livre, je ferai sans doute quelques vérifications. Mais là n'est pas l'essentiel.

Ce qui m'a intéressé, interpellé dans le travail d'Elizabeth Wein, c'est à la fois la structure de son livre, le regard ou le positionnement adopté par sa narratrice, et le délicat mais subtil équilibre entre réalité crûe et suggestion.

La structure d'abord.
Une première partie qui pose non pas le décor de l'essentiel du récit, mais permet de faire connaissance avec Rose, la narratrice. Une jeune américaine membre de l'ATA, le service de liaison des armées alliées et qui se charge du convoyage d'avions pour les pilotes de chasse en cette fin de conflit mondial, puisque nous sommes en 1944 et que le débarquement a eu lieu.
Dans un second temps, les quelques mois passées par Rose dans le camp de concentration de Ravensbrück, dans une Allemagne nazie aux abois. Rose y fait la connaissance de nombre de ses compagnes d'infortunes, polonaises, russes, françaises, découvre la dureté des camps dont elle avait entendu parler, fait l'apprentissage de différentes formes de résistance passive et trouve dans l'écriture, même mentale, une forme d'échappatoire à son quotidien.
Puis, le dernier temps, celui du témoignage. Celui où Rose doit apprendre à se reconstruire mais aussi à être la "porte-parole" de celles qui sont restées.
Trois temps avec des formes de récit assez différentes au final, des styles différents. Un peu roman à l'eau de rose dans un premier temps, puis carnet intime avant de basculer dans une forme plus journalistique (me semble-t-il, c'est un ressenti, je ne suis pas critique littéraire patenté !).

Le regard de Rose, son positionnement font aussi l'originalité du texte dans sa seconde partie, centrale et la plus longue, consacrée à l'expérience des camps. Nous retrouvons Rose mais après son retour de Ravensbrück. Elle est en France, à Paris. Et elle doit apprendre à vivre avec le traumatisme des derniers mois. Certaines scènes sont poignantes, son incapacité à dormir sur un lit ou un matelas, son impossibilité de s'habiller, les nuits agitées, peuplées de cauchemars. Et Elizabeth Wein fait se croiser récit du présent et récit du passé, les souvenirs remontant à la surface. C'est je crois l'une des première fois que je lis une fiction qui adopte ce regard décalé, et c'est à mon sens une des principales réussites du livre.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des difficultés du sujet, E. Wein parvient à maintenir l'équilibre entre une description sans concession des atrocités subies - en particulier par les prisonnières polonaises, de la part de médecins apprentis-sorciers aux expérimentations inhumaines - et la simple suggestion, par des ellipses, des moments de silence, des instants où le lecteur devine entre les lignes ce qui s'est passé - comme Rose comprend à demi-mot le geste de l'une, le sacrifice de l'autre.

Un exercice réussi, donc, par toujours exempt de reproches, de certaines facilités dans le récit, de quelques rebondissements trop bienvenus. Mais une lecture que je qualifierai non pas d'agréable mais comme l'on dit parfois - je n'aime pas le terme mais je ne trouve pas mieux - "inspirante".
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