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Critique de steppe


Comment dire à quel point j'ai aimé ce livre ? Proche de l'angoisse de la page blanche, j'ai débuté 20 fois au moins cette chronique. Mais à peine plus d'une phrase jetée sur le papier et me voila redevenue muette. Encore toute imprégnée de l'ambiance et du rythme de cette histoire si puissante, comme emmitouflée dans mon souvenir de lecture, je n'ose le brusquer de peur de le perdre.

L'histoire est simple. D'abord, il y a Abel. Vieil homme solitaire, vivant dans une cabane avec son chien pour unique compagnon. Il y a les blessures d'Abel, la guerre de Sécession, mais pas seulement. Et puis parce que la mer le rejette quand il cherche à s'y perdre, il y a un départ et le début d'une marche. Avec ses souvenirs pour seuls bagages, Abel prend la route et entame une quête difficile vers la paix et le salut.

La simplicité n'empêche en rien la densité et la plume de Lance Weller - dont c'est le premier roman - touche à la profondeur de l'âme sans user d'artifices ni de tournures alambiquées. Sa puissance évocatrice atteint des sommets dans le chapitre central consacré à la bataille de la Wilderness (mai 1864 - Virginie).
Il décrit, raconte les faits, s'attarde sur les détails, nous présente un personnage, puis un autre et nous dit le petit bout de sa vie qui va faire de lui un être différent, l'évènement ou le traumatisme qui va changer les choses.
Il ne cherche pas à expliquer la guerre, à en décortiquer les tenants et les aboutissants. Il nous en montre juste l'horreur et rappelle que dans un camp comme dans l'autre, le soldat savait rarement pourquoi il se battait ou en tout cas, n'était pas forcément convaincu par La cause. Pourtant, tous pressentaient que ce conflit déterminerait le destin de leur pays.
L'ambiguïté des sentiments d'Abel à ce sujet est un point fort du roman, lui, originaire de New-York et, par hasard en Caroline du Nord quand la guerre a débuté...

Il ne nous oublie pas nous lecteurs, s'adressant parfois directement à nous : "... et si vous aviez été là pour voir cela, pour l'entendre, le toucher, le goûter et le sentir, c'eût été quelque chose. " (p189 Bataille de la Wilderness).
Il y a donc ce chapitre central "Le Champ de Saunders", où toute la violence du monde se déchaîne et autour duquel s'articule le récit. Il y a la guerre, la sécession et toute cette partie de l'Histoire qui fera de l'Amérique ce qu'elle est aujourd'hui. Mais il y a tant d'autres choses. Tant de destins croisés sur lesquels s'arrêter et s'émouvoir.

Aucune linéarité dans le récit. On passe d'une époque à une autre, de l'avant
à l'après. Et dans tous ces allers-retours, on rencontre des hommes et des femmes témoins d'une époque. Tous victimes, tous blessés. Certains à terre, d'autres se relevant et s'évertuant à construire.
On marche avec Abel et l'on suit la route de ses souvenirs, on s'émeut de son présent. On vit intensément la même histoire que lui. Avec la nature pour compagne, on pense à Jim Harrisson, Charles Frazier ou Jack London.

Et on ralentit sa lecture pour goûter pleinement la beauté des paysages, le repos après la marche. On redécouvre après l'horreur et les années de solitude le goût d'un repas pris autour d'une table plutôt que d'un feu, avec des amis plutôt que seul... On ralentit sa lecture pour faire le contrepoids à la vitesse des balles, la furie des combats, l'instantanéité de la mort.

Je n'ai pas dit grand chose de la relation unissant Abel et son chien, pourtant essentielle dans le récit. Mais Lance Weller le fait si bien, usant du dialogue homme-bête avec brio, humour et une infinie tendresse.

Vous l'avez compris, j'ai été littéralement envoûtée par ce roman. Il y avait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi proche d'un personnage. Je relirai ce livre, c'est sûr, juste pour m'imprégner une fois encore de cette ambiance certes pesante, désespérée, mais si totalement
empreinte d'humanité....



Un grand merci aux éditions Gallmeister et à Babelio. Mon premier 5 étoiles "Masse critique".




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